Les critiques de notre envoyé spécial sur la Croisette

Un héros d'Asghar Farhadi : une merveille d’écriture

Quand il tourne dans son pays d’origine, Asghar Farhadi propose régulièrement de grands films. Le passé, tourné en France, et Everybody Knows, tourné en Espagne, sont évidemment dignes d’intérêt, mais jusqu’à maintenant, les films que le cinéaste iranien tourne à l’étranger n’atteignent pas la grandeur d’Une séparation ou du Client (deux longs métrages lauréats de l’Oscar du meilleur film en langue étrangère). De retour en Iran, Asghar Farhadi retrouve ses plus belles marques grâce à Un héros, une histoire comportant un évènement banal pour point de départ, qui se développe pourtant au point de tracer le portrait de toute une société. Cette fois, il s’agit d’un homme bien vu, qui s’est retrouvé en prison pour n’avoir pu rembourser une dette à un prêteur. Rahim (Amir Jadidi) profite ainsi d’une permission de deux jours pour tenter de trouver une solution, et convaincre son créancier de retirer sa plainte. Un scénario d’Asghar Farhadi étant toujours d’une redoutable efficacité, la situation se révélera beaucoup plus complexe – et compliquée – qu’elle n’aurait pu paraître au premier abord. Un amour clandestin, l’utilisation des médias, l’instrumentalisation d’un enfant pour attirer la sympathie de l’opinion publique, bref, plusieurs thèmes passent brillamment sous la loupe d’un cinéaste dont les scénarios sont souvent des merveilles d’écriture. Attendez-vous à ce qu’Un héros figure au palmarès. Cela ne serait que justice.

Titane, de Julia Ducournau : métal hurlant

Julia Ducournau avait saisi la planète cinéma il y a cinq ans avec Grave, son premier long métrage. Affirmant être une adepte du body horror, la réalisatrice française nous propose cette fois Titane, un film que ne renierait certainement pas le David Cronenberg de Crash, surtout dans sa première partie, où la voiture est utilisée comme objet de désir et vecteur de pulsions en tous genres. Mettant en vedette Agathe Rousselle, une nouvelle venue, Titane relate le parcours d’une meurtrière dont l’enfance a été marquée par un grave accident. Cette dernière trouve refuge auprès d’un homme qui croit voir en elle le fils tant aimé, disparu il y a des années, et dont on n’a jamais trouvé la trace. Dans la peau de ce sapeur-pompier qui entretient sa musculature à coup de piqûres de stéroïdes, Vincent Lindon livre d’ailleurs une composition puissante. Quand on comprend, dès les premières scènes, que la ferme intention de la cinéaste est de tétaniser le spectateur en multipliant les effets chocs, on peut se laisser happer par ce spectacle aussi violent qu’inédit, qui ravira à coup sûr les adeptes du genre. Cela dit, le récit évolue quand même vers une réflexion sur la filiation, à travers une relation entre un homme qui n’a jamais eu l’occasion de faire le deuil de son fils et une jeune femme qui, malgré les apparences et tout ce qui se brasse en elle, dont on se demande même si ça relève de l’humain, a, comme tout le monde, besoin d’amour. Titane étant en lice pour la Palme d’or, nous serions très curieux d’entendre la discussion du jury à propos de ce film…