À l’été 1969, la même année que Woodstock et Stonewall, un important festival de la musique et de la fierté noire s’est tenu à New York. L’évènement avait tout pour marquer la mémoire collective des Américains. Or, il est tombé dans l’oubli. Ce documentaire exceptionnel vient réparer cette injustice.

Pourquoi n’avait-on jamais entendu parler du Harlem Cultural Festival avant aujourd’hui ? Telle est la question qu’on se pose en voyant ce film qui ressuscite ce festival ayant attiré, en 1969, 300 000 personnes pendant six week-ends, mettant en vedette plusieurs grandes pointures soul, gospel, blues, jazz et Motown.

En 2019, le DJ et journaliste Ahmir Thompson, alias Questlove, a retrouvé dans un sous-sol 47 bobines avec des images impeccables de tous les concerts donnés dans un parc de Harlem, à quelques dizaines de rues de Central Park. Il a décidé d’en faire un documentaire de deux heures, Summer of Soul. Son tout premier film, primé cette année à Sundance, est plus qu’un documentaire fascinant : c’est un geste pour réparer un oubli de l’histoire américaine. Et rappeler le devoir de mémoire.

Le titre fait bien sûr référence au « Summer of Love », expression consacrée qui renvoie à l’été de 1967 et à la montée du mouvement de contre-culture hippie. Un an après la mort de Martin Luther King, l’été où deux Américains vont fouler le sol lunaire, la communauté noire a les deux pieds sur terre. La décennie qui prend fin a été marquée par la violence, la ségrégation raciale, les assassinats... L’été 1969 sera peut-être celui de tous les espoirs ?

Dès le début, on assiste à un solo de batterie électrisant de Stevie Wonder. Le chanteur a juste 19 ans, et il ouvre ce documentaire en donnant le ton aux performances qui suivront ; celles des Fifth Dimension, Nina Simone, B. B. King, Sly and the Family Stone, Mavis Staples, Mahalia Jackson, etc. Tous ces artistes noirs ne font pas que chanter avec brio leurs succès : ils déposent leur âme nue sur la scène, en communion avec leur communauté. La musique étant ici une catharsis, un baume sur bien des blessures. Et un moyen d’illustrer les rêves d’une belle jeunesse noire pleine de promesses.

Contrairement à d’autres documentaires historiques où les images viennent illustrer les témoignages, ici ce sont les intervenants qui réagissent aux archives. On voit apparaître des musiciens et des spectateurs qui étaient au rendez-vous en 1969, mais aussi des personnalités comme Lin-Manuel Miranda et Chris Rock. Dans un montage fluide et une réalisation brillante.

Pendant toute la durée de Summer of Soul, on constate aussi une bienveillance des artistes et militants noirs qui défilent sur la scène. Les discours politiques sont présents, les injustices, rappelées, mais on évite la diabolisation de la majorité blanche : l’organisateur charismatique du festival accueille même en héros le maire de New York, John Lindsay. Il faut dire que ce dernier avait tout fait pour offrir cette tribune à la culture noire de sa ville. Cinquante ans plus tard, on réalise l’importance du fait de ne pas enfouir l’histoire des communautés racisées dans le sillon de l’oubli.

En salle ce vendredi en version originale anglaise avec sous-titres français. Le documentaire est également offert sur Hulu et Star (Disney+).

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Summer of Soul

Documentaire

Summer of Soul

Ahmir « Questlove » Thompson

1 h 57

8/10