Daniel Roby est un cinéaste qui aime l’histoire. Assez pour la porter au grand écran. Ce fut le cas avec Funkytown, évocation du Montréal disco à l’aube du premier référendum sur la souveraineté-association et de la triste affaire Alain Montpetit, avec Louis Cyr : l’homme le plus fort du monde et maintenant avec Suspect numéro un.

Or, force est de constater qu’avec ce plus récent opus, Roby signe son projet le plus ambitieux à ce jour. Ambitieux par sa complexité, la densité du scénario, l’exposition des faits sans avoir accès à toutes les sources et un tournage en Thaïlande, à Vancouver et à Montréal en dépit d’un budget limité. Ambitieux, donc, et ce pari est relevé.

Mieux encore, Roby s’est lui-même attribué une difficulté supplémentaire : raconter l’histoire dans une déconstruction narrative en trois blocs se télescopant.

Ce choix peut, c’est un risque, faire perdre le fil au spectateur féru d’histoires plus linéaires. Mais la méthode sert parfaitement le propos en ce sens que l’histoire réelle à la base du scénario, l’affaire Alain Olivier, est labyrinthique, est traversée de plusieurs zones d’ombre et s’étend sur des années.

Rappelons les faits. En 1989, Alain Olivier, jeune Québécois dans la vingtaine aimant la fête et les drogues dures, est convaincu par de nouvelles connaissances de se rendre en Thaïlande pour une transaction de drogues. Or, ces nouveaux amis sont des agents de la GRC qui croient à tort qu’Olivier est un trafiquant de haut calibre. Le piège qu’ils lui tendent s’écroule et un policier canadien perd la vie.

Arrêté, abandonné de tous et condamné à mort, Olivier se retrouve dans les sordides geôles thaïlandaises. Son histoire attire l’attention d’un ambitieux journaliste du Globe and Mail, Victor Malarek, convaincu qu’il y a là une bavure très embarrassante pour le Canada. Son acharnement à faire éclater la vérité risque toutefois de le tirer vers le fond, car il en oublie sa vie familiale et perd ses autres obligations professionnelles.

L’histoire est donc racontée du point de vue d’Olivier (Daniel Léger dans le film), de Malarek et des policiers empêtrés dans l’engrenage qu’ils ont échafaudé.

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Antoine Olivier Pilon, dans Suspect numéro un

Depuis son tout premier rôle, à 13 ans, dans Frisson des collines, Antoine Olivier Pilon nous a habitués à des performances solides. Et c’est encore le cas ici. Ténébreux, enragé, bagarreur, découragé, son personnage touche à toutes les émotions. Qu’il est donc agréable de voir ce jeune homme gagner en maturité et en solidité à chaque rôle. Ici, Daniel Roby l’a bien dirigé.

Est-ce parce qu’il joue plus vrai que vrai que notre enthousiasme est plus limité envers Josh Hartnett dans la peau de Malarek ? Son personnage de journaliste à l’ego surdimensionné est tellement cassant qu’il fait de l’ombre aux scènes dans lesquelles il se trouve. Notamment dans celles de la salle de rédaction du Globe and Mail.

Stephen McHattie, Jim Gaffigan et Rose-Marie Perreault, pour ne nommer que ceux-là, défendent quant à eux très correctement des rôles secondaires.

Le choix de filmer en lumière naturelle est heureux. Cela crée un climat suranné nous reportant 30 ans en arrière.

IMAGE FOURNIE PAR LES FILMS SÉVILLE

Suspect numéro un, de Daniel Roby

En dépit de beaucoup de limites (par exemple, la scène finale dans une sortie secondaire d’un aéroport manque cruellement de crédibilité), il faut reconnaître la qualité du travail d’ensemble et surtout l’efficacité du scénario écrit par M. Roby.

Celui-ci a du rythme, un élément crucial pour un drame policier de ce genre. Oui, on est happé par cette histoire. Oui, le scénariste a bien brouillé les pistes de sorte que son film n’est pas prévisible. Oui, on s’accroche au sort du personnage central comme s’il était notre propre fils.

Suspect numéro un donne le goût de retourner au cinéma. Ces jours-ci, c’est un bel atout !

En salle dès ce vendredi.

★★★½

Suspect numéro un. Drame de Daniel Roby. Avec Antoine Olivier Pilon, Josh Hartnett, Stephen McHattie. 2 h 15.

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