Ethan Hawke et Robert Budreau ont peu en commun, sinon une fascination pour le trompettiste et chanteur de jazz Chet Baker. Le jeune cinéaste ontarien, passionné de musique, a déjà signé un court métrage sur la mort de ce musicien torturé. L'acteur américain, lui, a planché avec Richard Linklater, son cinéaste fétiche, sur le scénario d'une journée dans la vie de Chet Baker qui n'a jamais été tourné.

On ne s'étonne donc pas de voir ces deux-là au générique de Born to Be Blue même si on n'avait probablement pas prévu que l'essentiel de ce film sur le prince du cool jazz californien des années 50 serait tourné à Sudbury.

Born to Be Blue n'est pas un film biographique conventionnel, mais ce n'est pas non plus un film éclaté à la I'm Not There de Todd Haynes dont il s'est inspiré. 

Ce court chapitre dans la vie tourmentée de Chet Baker joue avec certains éléments-clés de la vie du musicien pour réimaginer une trame et improviser une partition qui soit le plus fidèle possible à l'esprit de cet homme brisé.

Le film vient à peine de commencer que déjà Budreau nous a fait passer de la cellule d'une prison italienne dans laquelle croupit Baker en 1966 à un flash-back en noir et blanc sur les débuts à Birdland du James Dean du jazz en 1954 devant Miles Davis et Dizzy Gillespie, deux géants auxquels il tentera de se mesurer. L'instant d'après, nous assistons à une scène d'un film sur sa vie dans laquelle Baker, qui joue son propre rôle, est initié à l'héroïne par une admiratrice.

Tout cela peut paraître un brin échevelé. Pourtant, Born to Be Blue est un portrait saisissant du destin tragique d'un artiste qui tente par tous les moyens, même les plus humiliants, d'effectuer un retour. Un homme dans lequel plus personne ne croit, surtout pas son père fermier, mais qui sera épaulé par sa compagne Jane, un personnage fictif inspiré des femmes dans la vie de Baker.

Si le pari de Budreau est réussi, cela tient beaucoup au jeu d'Ethan Hawke qui campe un Chet Baker plus vrai que vrai. Qu'il incarne le musicien baignant dans son sang alors qu'il s'efforce de réapprendre à jouer de la trompette après que des revendeurs de drogue lui ont cassé les dents ou encore le Baker qui tente une ultime fois de convaincre un public de professionnels en chantant My Funny Valentine, Hawke ne surjoue pas. Il est tout à la fois l'artiste maudit en proie à ses démons et l'homme déchu dont le charme ne se dément pas.

* * * 1/2

DRAME BIOGRAPHIQUE. Born to Be Blue. De Robert Budreau. Avec Ethan Hawke, Carmen Ejogo et Callum Keith Rennie. 1h35.

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PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS SÉVILLE