La solitude semble le meilleur des moteurs créatifs pour le réalisateur Thomas McCarthy (The Station Agent). Elle est presque souhaitée par le héros de son premier long métrage, primé à Sundance, en 2004. Elle est mal apprivoisée et alourdit l’existence du personnage principal de son deuxième film, The Visitor (présenté en version originale anglaise seulement).

Cette fois, le spectateur unit sa destinée à celle de Walter, un prof d’université, veuf, désabusé. Depuis 20 ans, il enseigne le même cours d’économie, au Connecticut, et se fait croire qu’il occupe bien le reste de son temps à la rédaction d’essais. Sa vie de solitaire prendra un tournant inattendu lorsqu’on l’enverra de force à New York, pour présenter le travail d’un collègue à l’occasion d’une conférence.

Une surprise l’attend lorsqu’il met le pied dans l’appartement new-yorkais qu’il possède depuis toujours. Un couple d’immigrants syrien et sénégalais illégaux s’y trouve. Il joue du djembé dans une formation jazz. Elle fabrique des bijoux.

Happé par le charisme du couple, Walter créera rapidement des liens avec eux. Au point de se sentir investi d’une mission vitale quand le Syrien se fera pincer par l’immigration et sera menacé d’extradition.

La définition du visiteur est multiple dans ce film charmant, touchant, qui n’est pas que sombre et dans lequel l’humour à sa place entre deux inquiétudes. Le visiteur, c’est celui qui est chez lui, mais qui plonge dans une autre culture. C’est la mère du Syrien qui cogne un matin à la porte de Walter pour retrouver son fils. C’est l’immigrant sans malice que le gouvernement américain tarde à traiter comme un des siens.

Sans prendre de détour, et avec finesse, l’auteur-cinéaste dénonce la lenteur et le mutisme du système et dépeint un univers de béton où tout le monde est laissé dans le doute et l’ignorance. Un univers où l’autorité use totalement et bêtement de son pouvoir sans se soucier de l’inquiétude des sujets. Où les immigrants n’ont d’autres choix que de marcher sur des œufs et d’éviter le faux pas (ce que traduisent à merveille les acteurs). The Visitor n’a toutefois jamais des airs d’œuvre moralisatrice ou contestataire maladroite. On est dans le quotidien d’un professeur qui reprend contact avec son entourage grâce à l’arrivée d’un couple venu de loin. Qui revit à cause du malheur de gens qui lui sont soudainement chers.

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* * * 1/2
The Visitor. Comédie dramatique de Thomas McCarthy. Avec Richard Jenkins, Haaz Sleiman, Danai Gurira et Hiam Abbass. 1 h 43.

Un prof d’université veuf reprend goût à la vie lorsqu’il tombe sur deux immigrants illégaux… dans son appartement.

Sans coup d’éclat inutile.