Après la Course destination monde et la publicité, Yves-Christian Fournier a décidé de tenter sa chance du côté des longs métrages.

En dépit de la pression mise sur les épaules des jeunes réalisateurs qui font un premier film, la nervosité ne semble pas l'avoir gagné. S'il échoue? «Je ferai autre chose», lance-t-il sans sourciller.

Sa carapace, Yves-Christian Fournier la doit à son passage à la Course destination monde en 1997. Cette année-là, le réalisateur de 33 ans a été proclamé grand gagnant en plus de recevoir le prix de la qualité de l'image.

«Comme réalisateur, quand tu fais la Course, ça t'immunise contre la critique, a-t-il confié lorsque La Presse l'a rencontré sur le plateau de tournage de son film, Tout est parfait. Tu te fais varloper chaque semaine, se rappelle-t-il. Tu apprends que tu ne peux pas être aimé de tout le monde et tu apprends à faire les choses selon tes propres objectifs.»

C'est d'ailleurs cette expérience qui a orienté sa carrière. «J'étais inscrit en droit et j'ai bifurqué vers le cinéma parce que c'était l'affaire qui me faisait le plus «tripper» au monde», mentionne celui qui détient un diplôme en cinéma-communication de l'Université du Québec à Montréal.

En plus du documentaire, il gagne également sa vie en publicité. Il a d'ailleurs signé plusieurs campagnes comme celles de Sleeman, Le lait et Volkswagen.

Il est prêt à affronter vents et marées, mais le défit qui l'attend avec Tout est parfait reste de taille. Le jeune réalisateur aborde un sujet qui entretient encore beaucoup de tabous: le suicide. «Faire un truc frileux, ça ne m'intéresse pas.»

Le film raconte l'histoire de Josh, âgée de 17 ans, dont les quatre copains mettent fin à leurs jours. Et cette réalité, il la connaît puisque quatre de ses amis se sont enlevés la vie.

«C'est un sujet qui m'a toujours touché.» Conscient que son film risque d'alimenter les débats, il a interrogé de nombreux spécialistes sur le sujet afin de créer une œuvre réaliste. «Je viens du documentaire, souligne-t-il. J'ai toujours apprécié la vérité.»

«Mais sincèrement, je n'en ai rien à foutre des gens qui tranchent noir ou blanc, tient-il à souligner. Ça fait longtemps que j'ai compris que l'existence était beaucoup plus intéressante que ça, plus nuancée, avec plus de tonalité. Je pense que, en respectant au maximum les conditions de vérité, je vais accepter les conséquences du film.»

Abondance de réalisateurs

Par ailleurs, Yves-Christian Fournier sait qu'il réalise Tout est parfait dans un contexte difficile. Les réalisateurs sont de plus en plus nombreux. Le financement est de moins en moins important. La pression est forte. Malgré tout, il n'est pas prêt à faire n'importe quel sacrifice pour se démarquer.

«C'est sûr qu'on est grandement jugé pour un premier film, admet-il. Mais si on regarde Hitchcock, il a fait sept films avant qu'on dise que ce n'était pas mauvais.»

«Moi, la Course m'a libéré d'un poids. C'était peut-être le plus gros rêve que j'ai réalisé dans ma vie et c'est un sommet que ne j'atteindrai jamais à nouveau. Aujourd'hui, je me mets moins de pression. J'essaie juste d'honorer un médium que j'ai toujours aimé et d'être le moins loin possible des gens que j'admire qui m'ont inspiré.»

Il confie toutefois qu'un réalisateur a besoin de temps pour atteindre une certaine maturité. «Ça prend beaucoup de temps pour se développer et pour devenir bon. Je ne pense pas qu'on s'accorde du temps ici, faute de moyen et à cause du nombre de réalisateurs déjà en place.»

Donc, y a-t-il trop de réalisateurs au Québec? «Je pense qu'il devrait avoir plus de films, point, soutient-il. Il y en a qui ont peur que ça tue le marché. Mais, j'ai combien de disques et de livres dans ma bibliothèque? Tant que c'est de qualité, je vais toujours vouloir consommer.»