Il a joué François, le petit-fils mutique et mystique de La neuvaine de Bernard Émond. Il a incarné Richard le colocataire loser et rejeté des Invincibles. Sans surprise, donc, Claude Meunier a vu en Patrick Drolet, 34 ans, un fils de bonne famille à tendance autistique pour Le grand départ.

Son physique atypique -silhouette imposante et visage poupin- convoque les personnages jeunes, originaux, voire marginaux. «C'est sûr que j'ai pas le physique d'un jeune premier, et je suis super heureux de ça. Personnellement, je ne suis pas quelqu'un qui est interpellé par les beaux gosses. J'aime ça quand il y a quelque chose qui ne fonctionne pas chez un personnage, que ce personnage ait 19, 22 ou 30 ans», dit-il.

Homme de théâtre -il a cofondé les Trois Tristes Tigres-, homme de lettres-il a publié son premier recueil de poésie à l'automne-, Patrick Drolet se glisse sans peine parmi différentes familles de cinéma. «Je ne suis pas un imposteur, mais j'ai l'impression que je rentre dans toutes sortes de gangs. Ça me permet d'apprendre», dit-il.

Après les réalisateurs de la Coop Vidéo -Louis Bélanger, Denis Chouinard, Bernard Émond-, Patrick Drolet est sollicité, aujourd'hui, par ceux de la maison Cinémaginaire, de Denise Robert: après Le grand départ, de Claude Meunier, il sera à l'affiche de De père en flic, d'Émile Gaudreault, et incarnera le compositeur André Mathieu dans le film biographique de Luc Dionne.

Modeste, sinon timide, Patrick Drolet se compte parmi les comédiens plutôt chanceux de travailler. «C'est tellement difficile, ce métier: tu peux être la saveur du mois et ne plus travailler ensuite», croit-il. Lui-même a échappé au syndrome de la «saveur du mois» dans lequel le succès de La neuvaine aurait pu l'enfermer. «On m'a appelé pour refaire des idiots de village. J'ai refusé: j'avais déjà donné dans ce film-là», estime-t-il.

Plutôt réticent à vendre sa salade en entrevue, Patrick Drolet se livre, par bribes, parle doucement, regarde ses mains sans jamais feindre la connivence. «Je suis sauvage, je suis à la maison, tranquille. Je ne suis pas du genre à courir les premières», dira-t-il.

Ses plaisirs, comprend-on, incluent plutôt promenades, lecture et création. «J'ai toujours débordé d'imagination», se souvient-il. Enfant, le comédien n'avait pas de jeux vidéo, mais des livres, feuilles, dessins et crayons. «Je me racontais toujours des histoires. Je trouvais ça vivant.»

Un brin hyperactif, Patrick Drolet tombe dans la littérature chez les Frères, où il passe son secondaire, «les plus belles années de (sa) vie». Le théâtre ne le taraude pas encore: il se destine plutôt à une brillante carrière de musicien.

«Je joue un petit peu de musique. Je suis extrêmement mauvais, mais j'ai toujours cru, en m'entourant des bonnes personnes, que j'allais faire partie d'un mouvement musical important, ironise-t-il. Je me suis rendu compte que je n'avais pas de talent, et c'est devenu un hobby.»

La rhétorique des plaidoyers séduit Patrick Drolet qui rentre finalement à l'École nationale de théâtre à l'âge de 24 ans. «J'ai trouvé ça très difficile. Je viens d'une famille de chiffres, de comptables. Quand je rentrais à l'école, je me disais, il faut être fou pour croire aux chakras, je trouvais ça difficile. Il y a quelque chose de l'ordre du gourou dans la position des étudiants, qui sont face à un professeur et qui croient tout ce qu'il dit.»

Il se fait rappeler à l'ordre et à l'ouverture d'esprit par André Brassard et finit ses études en 2001. Sa carrière démarre avec l'émission jeunesse Ayoye, le théâtre, mais aussi le cinéma. Touche-à-tout, il publie un premier recueil de poésie -Un souvenir ainsi qu'un corps solide ont plusieurs tons de noirceur- et est en écriture, en ce moment, d'une «longue nouvelle ou d'un roman».

«Il fallait que ça sorte: c'était ça ou aller en thérapie (...) Avec l'écriture, tu plonges dans quelque chose de personnel. Et pour ça, t'as pas de filet», dit-il. Qu'importe: le comédien, toujours en demande, envisage même de prendre plus de temps pour écrire.

«J'apprends tranquillement à dire non. J'apprends à avoir plus de place pour moi: il y a tout un voyage à l'intérieur de soi. Je me dis des fois que je ne sors pas de mon côté sauvage, mais j'ai beaucoup plus un tempérament d'auteur.»