Après avoir signé un court métrage, Quand tout est possible, consacré à une jeune gymnaste souhaitant aller aux Jeux olympiques, la réalisatrice Christine Chevarie-Lessard a poussé plus loin sa réflexion sur l'enfance, les rêves et les désillusions. De là est né son premier long métrage documentaire sur le monde du ballet.

La plus belle qualité du film de Christine Chevarie-Lessard est d'avoir abordé l'enseignement du ballet de façon frontale, avec ses joies et ses peines, sa beauté et ses travers. Ça tombe bien, car les quelques jeunes qu'elle a suivis durant des mois à l'École supérieure de ballet du Québec endossaient cette vision.

Avec pour résultat que Point d'équilibre propose un contenu en pleine résonance avec son titre. Ce point d'équilibre se situe à la ligne où tout se met en place ou... bascule. À ce chapitre, la réalisatrice ne nous épargne rien. Son film compte son lot de larmes, de blessures, de frustrations. De sorte que certains spectateurs pourraient être choqués de recevoir en plein visage les exigences qu'impose l'apprentissage du ballet, bien loin des contes de fées.

«J'ai voulu offrir une vision juste de ce que j'avais observé, dit-elle en entrevue. Le directeur de l'école m'a dit que ce que ces danseurs font est difficile. Mon film montre cette difficulté. C'est l'exigence de l'art, et certains enfants doivent apprendre cette exigence.» 

«C'est sûr qu'il peut y avoir un clash [du spectateur], car on associe souvent l'enfance à une période de liberté et d'exploration sans contrainte. Alors qu'ici, on se trouve dans un univers avec des codes précis.»

Présenté en première mondiale en novembre, aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), le film suit le parcours de quatre élèves, trois filles et un garçon, inscrits à l'École. Avec beaucoup de franchise et de maturité, ils font part de leurs réflexions. Si on voit quelques adultes, professeurs et parents, aucun ne prend ici la parole.

«C'était un parti pris, poursuit la cinéaste. J'ai toujours été intéressée par la parole des jeunes, ce qu'ils ont à dire, ce qu'ils vivent. Je trouve qu'il y a suffisamment de séries et de téléréalités où profs et parents parlent des jeunes. Ici, je voulais leur donner toute la place. Et filmer à leur hauteur, de sorte que le spectateur ait le sentiment d'être dans leur tête.»

D'un point de vue personnel, la réalisatrice dit être surprise par ce qu'elle a vu et entendu. «Dans cet univers rempli de contraintes physiques, de blessures et d'un esprit compétitif, j'ai vu une humanité, une solidarité entre jeunes. Et parfois même une maturité que les adultes n'ont pas. J'ai été surprise par la connaissance que les jeunes peuvent avoir d'eux-mêmes.»

Contre la gravité

Christine Chevarie-Lessard n'a jamais fait de ballet. Mais elle a pratiqué d'autres types de danse, est très active et aime relever des défis physiques. On ne s'étonne pas alors de son intérêt pour le sujet ici exploré. Dans le cas du ballet, elle s'est intéressée au fait que les danseurs travaillent essentiellement contre la gravité.

«Mon film vient d'une fascination de ce que les danseurs sont capables d'accomplir. Ce qu'ils réalisent donne une illusion de légèreté et de facilité. Or, pour y arriver, c'est beaucoup de travail!», dit-elle 

«Enfant, on rêve de faire toutes sortes de choses. Dans le cas du ballet, cette ambition est confrontée à une réalité faite d'un travail physique incroyable, de précision, de répétition.»

Elle dit avoir voulu être «du côté de la vie» en tournant son film, c'est-à-dire ne pas en faire un objet esthétique avec des images hyper léchées. «L'émotion doit passer avant l'esthétique», dit-elle.

La cinéaste n'est pas prête à dire si elle poursuivra dans la même veine ni ce que sera son prochain sujet. Par contre, elle reste fascinée par le rapport entre un individu et la matière de son quotidien. «J'ai ce goût de toujours faire sentir l'expérience des protagonistes, dit-elle. D'être en proximité avec eux. Une proximité qui va au-delà de l'image.»

Point d'équilibre est actuellement à l'affiche.