Identifié comme un des enfants terribles de Hollywood, l'Américain Robert Altman n'était pas qu'un cinéaste. C'était un artiste à part entière, nous dit le Canadien Ron Mann qui lui consacre un documentaire.

Le jour où Ron Mann s'est attablé avec les membres de la famille de Robert Altman dans leur résidence de Malibu, il a compris l'origine du chevauchement de dialogues, technique chère au célèbre cinéaste américain.

«Altman et sa troisième épouse Kathryn Reed avaient six enfants. Autour de la table, les conversations sont nombreuses et animées. Et Kathryn, qui a 90 ans maintenant, est encore une personne très allumée», note M. Mann dont le documentaire, simplement intitulé Altman, qui a pris l'affiche lundi au Cinéma du Parc après son passage aux RIDM.

Très chronologique et didactique, l'oeuvre n'en demeure pas moins un hommage touchant et réjouissant au réalisateur des films M*A*S*H, The Player, Short Cuts, Nashville et autres oeuvres ayant joyeusement brassé l'establishment hollywoodien.

Ron Mann dit avoir trouvé l'inspiration dans l'ouvrage Robert Altman: The Oral Biography de Mitchell Zuckoff. «Après cela, j'ai voulu entrer en contact avec Kathryn. J'ai su qu'il y avait une rétrospective d'Altman à Reno et qu'elle serait là. J'ai sauté dans ma voiture et je m'y suis rendu. J'ai envoyé une note à Kathryn lui demandant de me rencontrer. Elle m'a appelé trois jours plus tard et m'a invité dans sa famille.»

Mme Reed a aussi fait ses devoirs en regardant l'ensemble de la filmographie de Ron Mann. La confiance s'est ensuite établie; tout était ouvert. Pour fignoler son documentaire, M. Mann a eu accès aux archives familiales, en plus de mener plusieurs entrevues avec les enfants, dont certains ne sont pas toujours tendres envers leur père, ce qui n'est pas censuré dans le film.

Il a aussi passé de nombreuses semaines à fouiller dans les archives personnelles du cinéaste, déposées à l'Université du Michigan à Ann Arbor.

«Altman archivait tout, dit M. Mann. Il avait même noté toutes les entrevues accordées aux médias. Lorsque je suis arrivé à Ann Arbor, j'avais un assistant de recherche. Lorsque je suis parti, j'en avais six travaillant avec moi. Nous avons entre autres numérisé 15 000 photos.»

Un artiste

Doit-on indiquer que Ron Mann a un immense respect pour le cinéaste disparu en 2006?

Lorsqu'il parle d'Altman, il l'appelle affectueusement «Bob» (même s'ils ne se sont jamais rencontrés). Il est intarissable pour évoquer l'esprit innovateur et indépendant du réalisateur.

«Bob a changé la façon de faire des films, dit-il. À l'école, on nous montre comment faire des films avec un cahier de charges, une formule. Altman n'en avait pas! Chez lui, il y avait aussi cette affinité avec le cinéma européen, qui ressort dans ses oeuvres.»

La signature Altman avait aussi un côté politique, ajoute M. Mann. Par exemple, son film M*A*S*H, Palme d'or à Cannes en 1970, était antiguerre.

À ce chapitre, un des passages les plus hilarants du film survient lorsque Robert Altman, dans une entrevue du style Inside the Actors Studio, raconte avoir reçu un exemplaire dédicacé d'un livre écrit par l'ancien président républicain Richard Nixon. Les deux hommes sont aux antipodes politiques...

Pour Ron Mann, Robert Altman était bien plus qu'un cinéaste. C'était un artiste dans le sens le plus large et le plus noble du mot.

«Lors d'une de mes visites chez Kathryn dans son appartement de New York, elle m'a montré un très beau meuble et m'a dit que c'était Bob qui l'avait fait. Cet homme a dirigé des opéras, il peignait, il faisait de la photographie. Et surtout, il aimait travailler», s'émerveille Ron Mann.

Son film, du début à la fin, reflète cette admiration.

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Altman est à l'affiche depuis lundi au Cinéma du Parc.