Présenté en première mondiale au festival Vision du réel de Nyon en Suisse en avril 2013, le documentaire Bà Nôi de Khoa Lê fait sa rentrée québécoise vendredi à l'Excentris.

Le film possède de belles qualités, que ce soit à la direction photo, avec son montage riche, nerveux et parfois anxiogène, ou par le regard tendre que ce Montréalais d'origine vietnamienne porte sur son héritage culturel.

Mais avant tout, Bà Nôi doit être vu pour cette relation singulière entre le réalisateur et sa grand-mère («bà nôi» en vietnamien).

Q : Quelle est l'origine de votre projet?

R : J'ai toujours été fasciné par ma grand-mère, par sa force et sa fragilité, mais je suis surtout médusé par cette intimité qui m'unit à cette vieille femme que je connais à peine. J'ai réalisé que la relation entretenue avec elle transcende les individus, les générations et les mentalités. J'ai toujours aimé l'observer et la photographier.

Q : En quoi est-elle un sujet intéressant pour un documentaire?

R : Ma grand-mère me permet d'aborder les questions de filiation, de mémoire et d'identité. Notre relation me permet de rendre compte des questions et des préoccupations qui m'habitent.

Q : Votre grand-mère insiste beaucoup sur le mariage avec une Vietnamienne. Pourquoi?

R : Mon grand-père était le seul garçon de sa famille et en était le cadet. Une génération plus tard, mon père se retrouvait dans la même situation. Tous deux ont permis au nom Lê de se perpétuer. À mon tour, je suis le seul garçon de la famille Lê, dont je suis le cadet. Cette coïncidence, étendue sur trois générations, représente au Viêtnam une fierté, une rareté qui me place dans une position prestigieuse. Il me revient donc de perpétuer la généalogie de la famille Lê. C'est ce qui importe le plus pour ma grand-mère.

Q : Quels sentiments vous animent lorsque vous retournez dans le pays de vos racines?

R : Je me sens à la fois chez moi et en visite, quelque part entre deux frontières, deux territoires et j'adore cette sensation déstabilisante.

Q : Avez-vous le sentiment que vos questions d'identité et d'hybridation sont généralisées chez les jeunes Québécois dans la même situation que vous?

R : L'identité est un élément multiple, constamment en mutation, qui est une fusion plus ou moins complète du réel et de l'imaginaire. Ces deux univers liés d'une façon intrinsèque réagissent l'un à l'autre dans la recherche identitaire d'une personne. Cette hybridation de l'identité est sans aucun doute plus visible chez les jeunes Québécois dans la même situation que moi, mais je suis convaincu que tout individu est confronté à cette dualité.