La comédienne Monia Chokri participe actuellement à son troisième tournage en Europe. Dans le film Je suis à toi, elle interprète le personnage d'Audrey. Nous l'avons rencontrée hier.

Avant de se glisser dans le personnage d'Audrey, Monia Chokri a eu le temps de le façonner.

Ce personnage, elle l'a ciselé, construit petit à petit, ajoutant un trait de caractère ici, une façon de s'exprimer là. Et maintenant, sur le plateau de tournage de Je suis à toi de David Lambert, elle le polit toujours, d'une prise à l'autre. Un exercice épuisant, mais très satisfaisant.

Audrey est le personnage clé de ce deuxième long métrage de David Lambert. C'est une employée de la boulangerie d'Henri (Jean-Michel Balthazar), un homme qui s'est amouraché de Lucas (Nahuel Perez Biscayart), jeune escort boy argentin rencontré sur le web. Mais Lucas aime plutôt Audrey, mère d'un bambin et veuve depuis six mois d'un homme mort d'une surdose.

«Audrey est une fille enfantine et chaotique. Elle a des responsabilités, qu'elle gère comme une adolescente, dit la comédienne. Elle a aussi le syndrome de l'infirmière, une envie de sauver des gens. C'est la raison pour laquelle elle était auparavant avec un toxicomane; c'est aussi une des raisons qui l'attirent vers Lucas.»

Définir Audrey

Monia Chokri évoque avec beaucoup de respect le travail fait en amont du tournage, une coproduction entre la Belgique (Frakas) et le Québec (Boréal Films). Ainsi, elle et David Lambert se sont rencontrés durant une semaine en juin dernier à Bruxelles afin de définir Audrey.

«Lorsqu'il m'a approchée pour le rôle, David m'a dit qu'il restait plein de choses à inventer sur Audrey, que le personnage n'était pas complet. Je crois que c'est la première fois qu'il écrivait un rôle féminin substantiel et il ne voulait pas le rater, dit l'actrice. Il travaille en demandant aux acteurs de s'investir implicitement. J'ai donc donné mon opinion sur la courbe dramatique du film comme sur celle de mon personnage.»

Deux exemples concrets illustrent cette façon de travailler. Monia Chokri et David Lambert ont donné à Audrey le goût du jeu (sous toutes ses formes) et un rapport à l'alcool. «C'est comme si j'étais script-éditrice de mon personnage, se réjouit la comédienne. C'est très excitant pour les acteurs, car on a l'impression de contribuer à la créativité du projet, de ne pas seulement exécuter quelque chose.»

David Lambert a de son côté été soufflé par le travail de la comédienne dans la pièce La fureur de ce que je pense sur Nelly Arcan. «Je suis allé voir le spectacle à Montréal, c'était ma première rencontre avec Monia et j'avais lu Putain à 20 ans. En évoquant Nelly Arcan avec Monia, j'avais l'impression de parler à quelqu'un avec qui j'avais fait mes études, raconte-t-il. Sans sa participation à l'écriture, le personnage d'Audrey aurait été plus naïf. Monia a une impertinence naturelle qui a beaucoup renforcé le personnage. Elle est élégante et impertinente.»

Avec Nahuel Biscayart

Monia Chokri connaissait le travail de Nahuel Perez Biscayart (Grand Central) et avait eu l'occasion de le rencontrer une fois à Paris avant de partager la vedette avec lui dans Je suis à toi. Elle apprécie chaque seconde de cette rencontre sur le plateau.

«Je l'avais vu dans Au fond des bois de Benoît Jacquot et je l'avais trouvé fabuleux. Je trouvais qu'il avait un charisme incroyable. Quand j'ai su qu'il jouerait dans le film de David, j'étais super excitée parce que je me suis dit que ça ne pouvait donner que du bon. Je suis meilleure grâce à lui sur le plateau. Mais j'avais peur aussi parce que je le trouvais frêle. Je craignais d'être trop grande [rires] à côté de lui, que ça lui enlève de la virilité. Mais finalement, il est tellement charismatique que ça n'a pas d'incidence.»

Ils ont dit...

Le tournage de Je suis à toi met également en vedette Nahuel Perez Biscayart dans le rôle de Lucas et Jean-Michel Balthazar dans celui d'Henri. Voici ce qu'ils nous ont dit de leurs personnages.

Nahuel Perez Biscayart

«Lucas est un jeune Argentin escort boy qui fait ça pour de l'argent. Mais après un certain temps, il le fait parce qu'il ne peut pas s'arrêter. C'est de l'argent vite fait, mais pas du tout facile. Il est coincé dans une situation dense et difficile. C'est comme une personne accro à la drogue. Il y a ici un rapport à l'argent un peu malsain. De la même manière que l'argent arrive dans sa vie, il repart tout de suite, car il est gagné d'une manière assez traumatique. Pour Lucas, le voyage en Belgique est une manière d'échapper à un passé qui le hante. Il ne veut pas continuer à vivre ainsi.»

Jean-Michel Balthazar

«Mon personnage d'Henri est très épicurien. Il est attaché à son village et est président du groupe folklorique local. Et il aime beaucoup son métier. C'est un artiste du pain. Je crois qu'il y a eu de très grosses souffrances dans sa vie et des moments de jouissance aussi. Henri assume une certaine frivolité. Il aime beaucoup danser, la musique classique, l'opérette. Mais nous n'allons pas dans les clichés de l'homosexualité. On n'est plus dans La Cage aux folles! Henri est un boulanger, il est bourru, il est gros, il est costaud. Mais il est gai et s'assume, c'est entendu.»

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Les frais de ce reportage ont été payés par le distributeur Filmoption.