Dans ce film qui donne faim, signé Christian Vincent, la populaire actrice française se glisse dans la peau de la cuisinière personnelle de François Mitterrand. Et trouve l'un de ses plus beaux rôles.

Avant que Le Monde ne fasse son portrait dans un article, l'histoire de Danièle Mazet-Delpeuch n'était pas très connue. Cette cuisinière du Périgord fut recrutée à la fin des années 80 afin de s'occuper des repas personnels du président François Mitterrand. Et s'est retrouvée quelques années plus tard à l'autre bout du monde. Son parcours fut assez riche et intrigant aux yeux d'Étienne Comar, scénariste de Des hommes et des dieux et producteur des Femmes du 6e étage, pour que ce dernier adapte librement son histoire. Avec, déjà en tête au moment de l'écriture, une actrice inspirante: Catherine Frot.

De passage à Montréal la semaine dernière, l'actrice expliquait avoir eu l'occasion de lire une première version des Saveurs du Palais alors que le scénario n'en était encore qu'à l'état d'ébauche.

«Même une fois complété, tout n'était pas donné, fait-elle remarquer. Le scénario était même assez neutre. On pouvait aller dans plusieurs directions. Cela dit, le fait que l'idée du film vienne d'Étienne Comar, et que Christian Vincent soit arrivé par la suite, a fait en sorte que le film s'est construit de façon plus collective. Cela me plaît bien.»

Un choc

Pour la composition de ce personnage, qui réunit à la fois le caractère fantaisiste d'une actrice révélée au cinéma grâce à Un air de famille (Cédric Klapisch) et La dilettante (Pascal Thomas), et son aspect plus sombre (La tourneuse de pages, L'empreinte de l'ange), l'élément clé fut la rencontre avec Danièle Mazet-Delpeuch.

«À la lecture du scénario, je me suis dit qu'il valait peut-être mieux ne pas la rencontrer afin que je puisse m'approprier le personnage, lui donner ma propre couleur. Mais je me suis ravisée. Et j'ai eu un vrai choc. Cette femme est dotée d'un très grand charisme. Elle fait aussi preuve d'une détermination et d'un courage exceptionnels face à l'existence. À partir de là, il était à mes yeux impossible d'oublier cette femme dans la composition de ce personnage contrasté, au caractère très fort.»

L'arrivée de Danièle Delpeuch - la première cuisinière dans l'histoire du Palais de l'Élysée semble-t-il - sera évidemment vue d'un mauvais oeil par les responsables de la cuisine centrale, jusque-là chargés autant des repas officiels que des repas privés. À travers le personnage recomposé d'Hortense, que campe Catherine Frot, se profile ainsi une petite visite guidée dans les officines du pouvoir. Cela dit, le lien direct entre le président de la République (interprété par l'Académicien Jean D'Ormesson) et sa cuisinière révèle une complicité immédiate.

«Le pouvoir de la cuisine est-il plus fort que la cuisine du pouvoir? rappelle l'actrice en évoquant une phrase entendue dans le film. On est aussi dans un conte. C'était un plaisir de livrer ces répliques face à Jean D'Ormesson. Qui était un proche de François Mitterrand, bien qu'à l'opposé sur le plan idéologique. Jean a de la prestance. Il sait ce que c'est que de côtoyer les grands de ce monde.»

L'attitude d'une cuisinière

Au-delà de la complexité du personnage, Catherine Frot, qui était en lice samedi pour le César de la meilleure actrice grâce à ce rôle, a aussi dû apprendre les techniques de la cuisine afin d'être crédible à l'écran.

«Je ne suis pas très cuisinière dans la vie, mais j'ai appris en côtoyant Danièle, dit-elle. Je peux vous faire un chou farci au saumon demain si vous voulez! Là, il ne s'agissait pas seulement d'apprendre une recette, mais surtout d'emprunter l'attitude de quelqu'un qui travaille en cuisine. Il faut parler, donner des indications, prendre les bons ustensiles, les manipuler, battre un torchon, tout faire en même temps comme si cela m'était naturel et que j'en connaissais tous les rouages par coeur. J'ai aussi aimé lire les recettes d'un livre très ancien. C'est de la poésie. C'est là qu'on se rend compte à quel point sont liés le plaisir des mots, le plaisir des sens et le plaisir de la nourriture. C'est un art!»

Grande vedette du cinéma français depuis une quinzaine d'années, Catherine Frot affirme être toujours animée d'un doute au moment de choisir ses projets.

«Le plus difficile est de dire oui ou non, souligne-t-elle. Quand j'ai des doutes, je fais lire à des proches. Je ne veux pas refaire les choses ni me satisfaire de recettes qui fonctionnent. J'aime avoir la sensation d'avoir quelque chose à gravir. Les évidences ne m'attirent pas. Je préfère les chemins plus épineux. Il faut être vif. Je cherche à provoquer des choses et je tiens à ce que le public y trouve son compte. C'est mon but. Toujours.»

Venue du théâtre, Catherine Frot s'apprête à monter sur les planches de nouveau, après avoir enchaîné les tournages de trois films l'an dernier. Outre Les saveurs du Palais, l'actrice est aussi la vedette de Bowling (Marie-Castille Mention-Schaar), ainsi que d'Associés contre le crime (Pascal Thomas), troisième volet d'une série inspirée par des récits d'Agatha Christie.

«Dans un mois, je reprends Oh les beaux jours au Théâtre de l'Atelier à Paris. J'ai très hâte. Je ne suis pas montée sur scène depuis six ans. Le texte de Samuel Beckett est grandiose. Quant au cinéma, j'ai fait une petite pause après ces trois films. Cela dit, il y a un nouveau projet dans l'air dont je ne peux malheureusement pas parler!»

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Les saveurs du Palais prend l'affiche le 1er mars.