La double passion qu'éprouve Alexandre Desplat pour la musique et le cinéma l'a conduit à devenir l'un des compositeurs de musiques de films les plus recherchés d'Europe et de Hollywood. Rencontre sur une bonne note.

Qu'ont en commun Argo de Ben Affleck, Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson, De rouille et d'os de Jacques Audiard, The Curious Case of Benjamin Button de David Fincher, The Ghost Writer de Roman Polanski, The Tree of Life de Terrence Malick, The Twilight Saga - New Moon de Chris Weitz, Coco avant Chanel d'Anne Fontaine et maintenant Rise of the Guardians de Peter Ramsay? La musique d'Alexandre Desplat.

Mais n'allez pas dire à l'éclectique compositeur français qu'il est partout. Le mot aplanit la réalité, simplifie le parcours. Le banalise. Or, Alexandre Desplat a travaillé, fort et plus que fort, pour arriver là où il est. «Girl With a Pear Earring, qui m'a fait connaître aux États-Unis, était le 50e film dont je composais la musique», faisait-il remarquer dans l'entrevue qu'il a accordée à La Presse à l'occasion de la sortie du film d'animation Rise of the Guardians.

Un autre genre de défi que celui-là. Beaucoup de notes à écrire, car la musique est quasi omniprésente dans le long métrage. Lequel joue aussi avec les tons et les rythmes. «Il y avait beaucoup de choses à suivre à l'écran: des poursuites, de l'action et, soudain, du calme, de l'intime où trouver et placer l'émotion», poursuit celui qui n'a par contre pas trouvé le travail très différent de ce à quoi il est habitué, car «ces personnages animés ont une densité dramatique, une psychologie très structurée et développée sur lesquelles je pouvais m'appuyer».

Bref, le père Noël, le lapin de Pâques, le marchand de sable, la fée des dents et le mystérieux Jack Frost montant ici aux barricades contre le méchant croquemitaine l'ont inspiré. Sans cela, Alexandre Desplat est clair: son nom n'apparaît pas au générique du film. Pour accepter de se joindre à une aventure, il doit sentir l'appel. De l'histoire. D'un genre différent de ceux auxquels il vient de toucher. D'un réalisateur auquel il est fidèle (Jacques Audiard ou Roman Polanski, par exemple) ou d'un autre, connu ou pas, mais dont il admire le travail. L'idéal étant que le projet ne soit pas trop avancé pour qu'il puisse y prendre ses marques dès le début, comme ça a été le cas pour Rise of the Guardians.

Mais le compositeur se laisse aussi aller à des coups de foudre: quand Tom Hooper lui a montré The King's Speech, le long métrage était presque terminé. «Mais je ne pouvais pas ne pas en faire la musique, puisqu'on me l'a proposé!», lance Alexandre Desplat qui, juré à Cannes cette année-là, a installé un «studio» dans sa chambre d'hôtel pour composer le matin et le soir, avant et après ses devoirs cannois.

Une vie de globe-trotter

Fou, mais c'est un peu sa réalité: s'il vit à Paris, il s'installe là où il est appelé. À New York pour Extremely Loud and Incredibly Close de Stephen Daldry, à Londres pour Harry Potter and the Deathly Hallows de David Yates, à Los Angeles pour The Ides of March de George Clooney, etc.

Il change ainsi de lieux, de styles. Accordant son entière attention à chaque film. L'un après l'autre. «Je ne sais pas travailler deux projets en même temps.»

Toujours avec le même bonheur. Immense. Qui n'exclut pas la sueur et l'effort, mais qui le ramène à son adolescence. «À 12 ou 13 ans, j'ai découvert le cinéma et la musique du cinéma.»

Il est devenu flûtiste. A continué à entendre des notes dans les mots et les images des autres. A commencé à dire qu'il voulait devenir compositeur de musiques de films. «Mes amis de l'époque m'ont même rappelé que je parlais aussi de travailler un jour à Hollywood.»

Il ne s'en souvenait pas. Mais ce rêve-là était si fort qu'il l'a conduit... à bon port.

___________________________________________________________________________

Rise of the Guardians (Le réveil des gardiens) est à l'affiche depuis hier.

Les frais de voyage ont été payés par DreamWorks.