Il y a quelques années, l'intimidation à l'école dont a fait l'objet Émilie Bierre a fait les manchettes. Les choses ont changé. Aujourd'hui, la comédienne cultive de solides amitiés. À l'image de son personnage de Mylia dans le film Une colonie, elle a découvert ce que sont de vrais amis. Et elle a appris à être elle-même.

Entre deux prises sur les plateaux de tournage, Émilie Bierre aime photographier et tourner de courtes vidéos des artisans, comédiens comme techniciens, avec qui elle travaille. Elle monte ensuite les images et présente un petit film souvenir à ses commettants au moment de célébrer la fin du projet.

«C'est vrai! D'où tirez-vous ces informations?», demande avec un rire embarrassé et les joues empourprées la jeune comédienne lorsqu'on lui demande la confirmation.

«Je fais cela à visage découvert, poursuit-elle. Sur le plateau d'Une colonie, je l'ai fait pratiquement tous les jours. À la fin, j'ai créé la surprise en présentant mon film. Les gens étaient contents et moi aussi.»

Tourné à l'automne 2017, Une colonie est le premier long métrage de fiction de Geneviève Dulude-De Celles, dans lequel Émilie Bierre incarne Mylia, une adolescente qui, intimidée et peu sûre d'elle au moment d'entrer à l'école secondaire, apprend à mieux se connaître au contact de trois personnes très différentes d'elle.

«Mylia est très sensible et observe énormément ce qui se passe autour d'elle. Alors qu'elle est dans une période de questionnements, les gens autour d'elle vont faire en sorte qu'elle sera confrontée à elle-même.»

«Il y a sa soeur cadette Camille [Irlande Côté], qui la marque par sa naïveté, Jimmy [Jacob Whiteduck-Lavoie], très marginal et assumant sa différence, et Jacinthe [Cassandra Gosselin-Pelletier], qui est dégourdie, parle fort, est à l'aise dans son corps comme dans ses pensées», détaille-t-elle.

Ces trois personnages vont faire comprendre à Mylia qu'il existe plusieurs façons d'être et de penser et, surtout, que c'est bien ainsi. En marge du jeu, le tournage a eu une influence positive sur la comédienne. «Une partie de Mylia se trouve encore en moi, dit-elle avec conviction. De tourner ce film m'a fait apprendre des choses sur moi. Notamment qu'il ne faut jamais oublier de sortir du cercle. Je dis cela dans le sens d'apprendre à sortir des normes et d'être soi-même dans tout ce que l'on fait comme ce que l'on aime.»

À son avis, le titre du film renvoie à une forme de cellule familiale. «La colonie autour de Mylia va la faire cheminer dans son adolescence et la forger en tant que petit être humain», dit la comédienne de 14 ans en étouffant un autre rire.

On lui demande au passage de définir le mot «ami». «Une personne qui est là dans tes passages le fun comme dans les passages plus durs. Cette personne va t'être fidèle, peu importe son humeur et la tienne. Elle va te respecter pour qui tu es et sera là pour toi.»

Très visible en 2019

Émilie Bierre sera très présente au grand écran en 2019. En plus d'Une colonie où elle tient la vedette et est pratiquement de toutes les scènes, on la verra dans Genèse de Philippe Lesage, Dérive de David Uloth et Les nôtres de Jeanne Leblanc.

Sans surprise, ses personnages composent chaque fois avec des thèmes liés, de près ou de loin, à l'adolescence. Mais dans chaque cas, il y a des nuances, parfois importantes.

Dans Dérive, par exemple, elle incarne Amélie, une adolescente qui intimide des personnes de son entourage. Rôle intéressant pour cette jeune femme elle-même victime d'intimidation dans le passé. «Ça prend des gens pour jouer ça et pour qu'on les voie au cinéma comme à la télévision, estime-t-elle. 

«En lisant le scénario, je me suis dit que les méchants ont toujours un côté plus triste. Ils vivent aussi un drame qu'on ne voit pas toujours. C'est le cas d'Amélie, un très beau personnage.»

En avril, elle tournera quelques scènes pour un long métrage intitulé Ange arnaqué dans lequel Frédérique Dufort tient le rôle principal de Chloé. «Cela parle de jeunes filles enlevées et utilisées dans la prostitution. Je suis Anaïs, la plus jeune de ces jeunes filles dont la route croise celle de Chloé», glisse Émilie Bierre, tout en précisant que ce projet n'est «pas exactement» comme la série Fugueuse.

En marge de tout ce travail de comédienne, elle fait ses premiers pas dans l'écriture d'un court métrage. Intitulé La savane humaine, le projet s'intéresse à une fillette de 7 ou 8 ans qui réalise l'ampleur de la vie adulte en voyant ses parents aux prises avec des difficultés financières. «J'ai découvert cette passion avec Geneviève après le tournage d'Une colonie. Elle m'a montré son travail et je me suis mise à écrire.»

Dans quelques jours, la comédienne s'envolera pour Berlin avec l'équipe d'Une colonie pour la présentation du film à la Berlinale. Une première dans son cas. «Il ne faut pas se créer d'attentes avec les festivals, dit-elle sagement. Mais en apprenant que j'y allais, j'ai été envahie de bonheur.»

Qui sait? Peut-être qu'elle y tournera un autre de ses films-bilans dont elle a le secret.

En salle le 1er février.

Émilie Bierre selon...

Nous avons demandé aux quatre réalisateurs des films dans lesquels on verra Émilie Bierre dans les prochains mois de nous parler d'elle.

Geneviève Dulude-De Celles, Une colonie

«Je commençais à écrire mon film quand mon copain l'a vue dans le film Catimini [sorti en janvier 2013] de Nathalie St-Pierre et il me disait qu'elle serait bonne dans Une colonie. Au moment du casting, j'aurais voulu un personnage plus jeune, mais à la première audition, Émilie nous a fait pleurer au bout de 10 minutes. Elle était très sensible à ce rôle de quelqu'un qui a des difficultés à se faire des attaches.»

David Uloth, Dérive

David Uloth et sa conjointe Chloé Cinq-Mars, qui a écrit le scénario, affirment que la comédienne a été authentique dans son rôle d'Amélie tout au long du tournage. «Elle est très constante dans son jeu, dit M. Uloth. D'une prise à l'autre, elle était capable de refaire les mêmes choses.» «Elle joue un personnage populaire dans le film, mais elle l'était aussi sur le plateau, constate Chloé Cinq-Mars. Elle était très généreuse avec les autres.»

Jeanne Leblanc, Les nôtres

«J'ai 40 ans et j'ai maintenant une amie de 14 ans», dit Jeanne Leblanc qui partage la même vision de plusieurs choses que la comédienne. Dans ce film, Émilie Bierre joue le personnage central de Magalie vivant un problème très personnel qui trouvera écho dans son village. «Un rôle difficile pour une fille de son âge, mais elle a accueilli son personnage avec empathie. Peu d'acteurs ont un tel abandon.»

Philippe Lesage, Genèse

Si son rôle de Béatrice est plus secondaire dans ce film, le passage d'Émilie Bierre a marqué le réalisateur. «La première qualité que je cherche chez les comédiens est qu'ils s'expriment avec un grand naturel comme ils le font dans la vie. C'est le cas de Théodore Pellerin, de Rose-Marie Perreault et aussi d'Émilie, remarque M. Lesage. Elle est charismatique. Dans Genèse, on a un close-up de 30 secondes sur elle et elle est captivante. Je voulais qu'elle transmette ce sentiment ambigu des premiers amours et tout passait dans son visage: tristesse, mélancolie, etc.»

Photo fournie par Maison 4 : 3

Émilie Bierre dans Les nôtres, de Jeanne Leblanc