Avec Nathalie Doummar, que nous verrons pour une première fois au cinéma, Emily VanCamp et Macha Grenon incarnent les personnages principaux de Pays, le film que tourne actuellement Chloé Robichaud à Terre-Neuve. Pour l'une comme pour l'autre, l'expérience se révèle singulière.

Macha Grenon: Les vertus d'une force tranquille

Dans Pays, Macha Grenon incarne une femme de pouvoir. L'actrice prête en effet ses traits à la présidente de l'île de Besco, un petit pays fictif situé dans l'extrême nord-est du continent, pris dans un conflit avec le Canada, son pays voisin.

Chloé Robichaud ne voulait surtout pas construire le personnage selon les clichés habituels. Pour Macha Grenon, cette façon d'incarner le pouvoir autrement restait à inventer. Et a exigé d'elle un véritable abandon.

«C'est comme une page blanche sur laquelle tu dessines ton personnage au fur et à mesure, explique l'actrice entre le tournage de deux scènes. Il est ancré dans des réflexions très réalistes. Chloé a déjà un univers singulier. Elle m'impressionne. Elle porte en elle une vraie vision de cinéaste.»

On pourrait ainsi dire que ce personnage de pouvoir nage en plein paradoxe, étant donné qu'il ne répond pas aux codes habituels.

«Ce qu'on sait d'elle, c'est qu'elle a une force tranquille, fait remarquer Macha Grenon. C'est ce que Chloé me disait. Elle porte ça en elle. Cet aspect est très perceptible, même si cette femme n'est pas dotée de la personnalité la plus imposante. Chloé explore l'archétype féminin de façon subtile, dans plusieurs couleurs. Et de façon très intéressante. La présidente de Besco a choisi de ne pas faire partie du boys club

Se tenir droit

Le tournage dans l'île Fogo a été pour tout le monde une aventure inoubliable. Macha Grenon en garde un précieux souvenir.

«Jamais je n'aurais seulement pu imaginer aller là un jour! lance-t-elle. On dirait que le temps y est suspendu. Chloé m'avait prévenue que j'allais ressentir le pays grâce aux éléments. En arrivant sur place, j'ai tout de suite compris ce qu'elle a voulu dire. Le vent, ça forge les êtres. Il peut te faire tomber. Ce qui fait que les habitants se tiennent très droits. Ils ont cet ancrage intérieur de façon naturelle, sans que cette force s'impose. Pour moi, ce fut une porte d'entrée formidable vers le personnage. Chloé nourrit magnifiquement l'imaginaire de ses acteurs avec des éléments tangibles.»

L'actrice dit aussi avoir été séduite par la voie qu'a empruntée Chloé Robichaud pour créer les trois personnages principaux dans le scénario. Trois femmes de carrière dont on explore aussi l'intimité. Avec les vulnérabilités qui s'y rattachent.

«Je me sens extrêmement privilégiée, conclut l'actrice. Ça me touche qu'on ait pensé à moi pour faire partie de cette aventure.»

Emily VanCamp: retour à soi

Quand le scénario de Pays lui a été proposé, Emily VanCamp était en train de terminer le tournage d'un film. Après une année bien remplie, l'actrice ontarienne avait alors envie de faire une pause.

«Mais le scénario de Pays était tellement beau que je ne pouvais pas passer à côté!, raconte-t-elle au cours d'un entretien accordé à La Presse. De plus, ce projet me donne l'occasion de retrouver mes racines un peu. Mon agent est le même depuis que j'ai l'âge de 13 ans. Il me connaît et il sait ce que j'aime. J'ai ensuite regardé Sarah préfère la course et c'en était fait. Il fallait que je travaille avec Chloé!»

La vedette de la série Revenge, qui vit à Los Angeles depuis de nombreuses années, a ainsi l'occasion de tenir pour la première fois un rôle dans la langue de Molière. Son personnage dans Pays est une médiatrice américaine, spécialisée dans les relations internationales, qui maîtrise en outre de nombreuses langues. Dans la vie, Emily VanCamp parle un français impeccable, teinté d'un léger accent.

«Quand j'étudiais la danse classique à Montréal, j'ai vécu quatre ans au sein d'une famille formidable à Repentigny, explique-t-elle. Je n'ai toutefois pas eu très souvent l'occasion de m'exprimer en français depuis cette époque. Mis à part les quelques échanges que j'ai eus avec Karine Vanasse sur le plateau de Revenge, je n'ai pas vraiment pu me maintenir à niveau. Pour m'y remettre, j'ai vu beaucoup de films québécois. Je n'en reviens pas des talents incroyables qu'on trouve au Québec! J'ai rattrapé Incendies, Les invasions barbares, quelques autres classiques. Et je verrai bientôt Mommy. J'ai aussi regardé pas mal de films français. J'ai eu un coup de coeur pour Intouchables. Je l'ai vu trois fois!»

Des personnages complexes

De Chloé Robichaud, elle dira de la jeune cinéaste qu'elle est visionnaire.

«J'ai été très séduite par l'esthétisme de Sarah préfère la course et l'histoire qu'elle raconte. J'aime les personnages féminins complexes. Chloé en écrit de fort beaux. À travailler avec elle, je me rends compte à quel point elle comprend ce qu'est l'humanisme. Elle travaille de façon très subtile. C'est fascinant de la voir aller. Je l'admire beaucoup.»

Du plateau de Pays, Emily VanCamp apprécie en outre l'ambiance qu'on y trouve. D'autant plus que le tournage dans un endroit isolé comme l'île Fogo tisse forcément des liens étroits entre les membres de l'équipe.

«C'est très différent d'un plateau à Hollywood», fait remarquer l'actrice, qui a notamment eu l'occasion de se retrouver sur le plateau d'une superproduction comme Captain America: The Winter Soldier. «Tout en reconnaissant les vertus d'un plateau hollywoodien, je dois dire qu'il y a quand même un sentiment particulier à se sentir chez soi avec les siens. Les gros films nous permettent d'accepter de jouer ensuite dans des productions plus modestes, pour lesquelles on éprouve une vraie passion. Je viens de passer une année formidable. Revenge s'est terminée après quatre ans; ensuite il y a eu Captain America; et maintenant Pays, qui est un projet qui me tient vraiment à coeur. C'est comme une année parfaite!»

PHOTO SÉBASTIEN RAYMOND, FOURNIE PAR LA BOÎTE À FANNY

Emily VanCamp