Dallas Buyers Club est en lice pour six Oscars: meilleur film de l'année, meilleur acteur (Matthew McConaughey), meilleur acteur de soutien (Jared Leto), meilleur scénario original, meilleur montage et meilleurs maquillages et coiffures. Un parcours de rêve pour un film tourné de façon totalement indépendante.

Pour les quelques entrevues qu'il a accordées tôt hier matin, Jean-Marc Vallée arborait fièrement à la ceinture l'impressionnante boucle western que lui a offerte récemment le chef cascadeur de son film. On peut y lire «Dallas Buyers Club 2012 - Stunt Team».

Le réalisateur québécois retient surtout de son expérience sur le plateau de ce film cendrillon, en lice pour six Oscars dimanche, l'esprit de bonne camaraderie qui s'est vite installé sur le plateau. Pour ce long métrage tourné pour trois fois rien (4,9 millions de dollars), chaque intervenant s'est investi à fond, tant derrière que devant la caméra.

«C'est surtout ça qui m'excite à l'idée d'aller aux Oscars, a déclaré le cinéaste. On aura l'occasion de se retrouver tous: acteurs, producteurs, sans oublier mes collaborateurs québécois. Et je sais que peu importe ce qui arrivera, nous irons célébrer!»

Un court séjour

Jusqu'à maintenant, Jean-Marc Vallée ne s'est pas tellement branché sur le mode Oscars. Du moins, pas encore. Il n'avait même encore fait aucune déclaration publique directe à propos des six nominations - et pas des moindres - que son film a obtenues. Très concentré sur le montage de Wild, le film qu'il a tourné avec Reese Witherspoon l'automne dernier en Oregon, le réalisateur quittera Montréal vendredi matin pour Hollywood Boulevard et rentrera dès lundi.

«Je travaille beaucoup, dit-il. Je dois d'ailleurs présenter ma version de Wild dans deux semaines. C'est probablement ce qui me rend très chill out par rapport aux Oscars. Je me sens un peu comme le petit gars qui s'en va jouer une importante partie de hockey. Et je sens que les Québécois me soutiennent. Je les sens heureux de me voir là. Une fois rendu sur place, je vais profiter du moment et le vivre à plein, c'est sûr. Évidemment que j'aurais aimé être en nomination pour la meilleure réalisation, mais, vraiment, je n'en veux à personne de ne pas l'être!»

Jean-Marc Vallée a d'ailleurs déjà eu l'occasion de vivre l'effervescence de la saison des récompenses. Aux Golden Globes, les deux acteurs principaux de son film, Matthew McConaughey et Jared Leto, ont remporté les grands honneurs. Les deux hommes figurent aussi parmi les favoris pour enlever la statuette dorée dans leur catégorie respective.

«Matthew et Jared vivent vraiment un grand bonheur et j'ai le plaisir de le vivre avec eux. J'ai encore eu l'occasion de dîner avec Matthew pas plus tard que la semaine dernière. J'ai moins vu Jared, mais je sais que les deux sont aux oiseaux. Ces acteurs-là se sont complètement transformés pour se mettre au service d'une histoire dans laquelle ils croyaient. Leur fierté est là. Évidemment, ils sont fébriles avec les prix, mais quand ils en gagnent, leurs remerciements sont très beaux et proviennent d'une bonne place.»

L'effet Oscars

Probablement davantage que pour tous les autres films en lice, Dallas Buyers Club, drame inspiré de la véritable histoire de Ron Woodroof dans les années 80, bénéficie grandement de ses mises en nomination.

«Quand le film est sorti à l'automne, le distributeur américain Focus Features l'a placé sur 150 écrans en Amérique du Nord, explique le réalisateur. Depuis l'annonce des nominations, il occupe 800 écrans. Jusqu'à maintenant, le film a engendré des recettes d'environ 25 millions de dollars. En France, où il est sorti récemment, il a enregistré plus de 250 000 entrées. On est heureux quand un film trouve son public. Et on se demande parfois pourquoi ça n'arrive pas toujours, même quand on y met pourtant les mêmes efforts. Là, nous sommes tombés sur une histoire qui, d'une certaine façon, rend hommage à ceux qui se sont battus pour que les gens atteints du sida puissent avoir accès à de meilleurs soins. À cet égard, l'histoire de Woodroof, qui était un redneck homophobe, est une leçon de vie. Je me suis demandé comment diable je pouvais ignorer cette histoire. Les années 80, je les ai vécues, pourtant!»

Depuis la sortie de Dallas Buyers Club, et les mises en nomination aux Oscars, les propositions pleuvent. Jean-Marc Vallée garde pourtant la tête froide et n'entend pas modifier son plan de match.

«De toute façon, les contrats pour mes deux prochains films sont déjà signés, rappelle-t-il. Et même si celui avec la boîte Item 7 ne l'est pas encore, il est clair que je veux ensuite venir faire un film au Québec. Il y a donc un agent à Los Angeles qui travaille à plein temps pour recevoir les propositions. Il a le mandat de dire non. En tout cas pas avant 2017. Mon planning est quasiment aussi chargé que celui de Robert Lepage!»

Après Wild, Jean-Marc Vallée tournera en effet l'été prochain Demolition, un autre film américain. Il consacrera ensuite son énergie à un film français dont il signera le scénario avec l'écrivain Tonino Benacquista.

Mais pour l'heure, Jean-Marc Vallée a surtout le coeur à la fête.

«C'est drôle de voir ça. Au party des Golden Globes, tous les lauréats s'exécutent sur le plancher de danse avec leur trophée à la main! J'ai toujours regardé les Oscars. C'est un show qui me fait rêver. En même temps, cela ne m'empêche pas de critiquer les choix des membres de l'Académie. Je me suis souvent dit: «Come on! Mais c'est qui, ces gens-là?»»

Dimanche, il y a pourtant de fortes chances que Matthew McConaughey s'avance sur le plancher de danse en compagnie d'une statuette. Et personne ne remettra ce choix en question ni ne dira «Come on