C'est un rebondissement comme on les aime à Hollywood: donné grand favori des 85es Oscars avec 12 nominations, Lincoln de Steven Spielberg se trouve sérieusement menacé par Argo de Ben Affleck, déjà tout auréolé de prix, à une semaine d'une cérémonie plus ouverte que jamais.

Les 5856 membres de l'Académie des Arts et des Sciences du Cinéma, qui organise les Oscars depuis 1929, ont jusqu'à mardi soir pour désigner les heureux vainqueurs des précieuses statuettes, qui seront remises le 24 février au Dolby Theater, au coeur d'Hollywood.

Si l'on a pu reprocher aux Oscars d'être trop prévisibles ces dernières années, il en va tout autrement pour ce cru 2013, où la course dans plusieurs catégories reste très ouverte, à commencer par celle du meilleur film.

La succession du film français The Artist - dont la victoire l'an dernier n'avait fait que confirmer des pronostics unanimes -- est l'objet d'un duel entre Lincoln et Argo, et aucun ne manque d'atouts pour l'emporter.

Lincoln, qui a longtemps fait figure de favori naturel, a pour lui ses douze nominations et le prestige de son sujet -l'abolition de l'esclavage par le plus vénéré des présidents américains - et de son réalisateur, Steven Spielberg, qui n'a plus gagné d'Oscar depuis 1999 et Saving Private Ryan.

Mais avec «seulement» sept nominations, c'est Ben Affleck et son thriller Argo, retraçant la rocambolesque exfiltration de diplomates américains pendant la Révolution Iranienne, qui a remporté tous les prix de la saison, des Golden Globes aux prix des syndicats des acteurs (SAG), des producteurs (PGA) et des réalisateurs (DGA).

Le film aborde donc la cérémonie en position de force, en dépit de l'absence de Ben Affleck de la catégorie du meilleur réalisateur, qui devrait logiquement revenir à Steven Spielberg - à moins qu'Ang Lee ne lui souffle la statuette pour L'odyssée de Pi, ou Michael Haneke pour Amour.

Les catégories d'interprétation, généralement «verrouillées» plusieurs mois à l'avance, sont elles aussi assez ouvertes, au moins pour deux d'entre elles.

Certes, rien ne semble pouvoir empêcher le Britannique Daniel Day Lewis d'entrer dans l'histoire des Oscars en remportant une troisième statuette de meilleur acteur pour son incarnation saisissante de Lincoln. Et Anne Hathaway devrait logiquement remporter le trophée du second rôle féminin pour sa larmoyante Fantine dans la comédie musicale Les Misérables.

Mais l'Oscar de la meilleure actrice pourrait aussi bien aller à Jennifer Lawrence, dépendante sexuelle dans Happiness Therapy, qu'à Jessica Chastain, analyste de la CIA traquant Ben Laden dans Zero Dark Thirty, ou à la Française Emmanuelle Riva, malade en fin de vie bouleversante dans Amour, et qui fêtera son 86e anniversaire le jour des Oscars.

Le second rôle masculin est lui aussi très ouvert, et opposera Alan Arkin (Argo), Robert De Niro (Happiness Therapy), Philip Seymour Hoffman (The Master), Tommy Lee Jones (Lincoln) et Christoph Waltz (Django Unchained).

L'Oscar du film étranger semble quant à lui promis à Amour de l'Autrichien Michael Haneke, qui avait créé la surprise avec cinq nominations, et qui concourt pour l'Autriche.

Enfin, le compositeur français Alexandre Desplat, dont c'est la cinquième nomination et qui n'a encore jamais remporté l'Oscar, sera en lice avec Argo et succèdera peut-être à son compatriote Ludovic Bource, distingué l'an dernier pour la musique de The Artist.

La soirée devrait bénéficier de l'humour caustique de son présentateur, l'acteur et réalisateur Seth MacFarlane, qui avait signé le film Ted avec son ours en peluche alcoolique et fumeur de joints.

La cérémonie, où des personnalités comme Sandra Bullock, Nicole Kidman, Mark Wahlberg, Charlize Theron, Meryl Streep ou Jean Dujardin ouvriront les enveloppes, promet en outre d'être très musicale, avec des prestations d'Adele, Norah Jones et Barbra Streisand - qui n'a plus chanté aux Oscars depuis 1977.