(Cannes) Réalisateur du Grand bain, succès populaire en France en 2018, le comédien Gilles Lellouche propose en compétition un autre film grand public fait sur mesure pour plaire. L’amour ouf est une romance adolescente au parfum de nostalgie campée dans les années 1980 et 1990, sur fond de musique des Cure, de Billy Idol et de Prince, doublée d’un film de gangsters. Le tout à la sauce américaine (ou plutôt, française voulant passer pour américaine). John Hughes version plus noire que rose rencontre Tarantino à la guimauve.

Adaptation du roman Beating Hearts de Neville Thompson, transposé dans une petite ville côtière du nord de la France, L’amour ouf raconte l’histoire d’amour improbable et stagnante entre Clotaire et Jackie, qui naît pendant quelques mois à l’adolescence et survit jusqu’à l’âge adulte… malgré des obstacles majeurs. Je ne divulgâche rien : on le comprend dès les premières séquences du film.

François Civil et Adèle Exarchopoulos incarnent dans la mi-vingtaine ces personnages pétris dans l’archétype : Clotaire « Racaille » est un délinquant battu par son père ; Jacqueline est une mélancolique qui a perdu sa mère dans un accident de voiture. Entre eux, le coup de foudre adolescent ne s’estompe pas, malgré les années et les séparations forcées. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour un bad boy qui casse des gueules…

D’une durée de 2 heures 46 minutes, ce film qui navigue de cliché en cliché aurait pu – et aurait dû – durer une heure de moins, au moins. Audrey Diwan (L’évènement) a collaboré au scénario. À sa place, je ne laisserais pas ça dans mon CV, tellement Gilles Lellouche y ressent le besoin manifeste et agaçant de faire la démonstration de sa grammaire cinématographique.

Il donne l’impression d’un jeune débutant qui fait ses gammes, en multipliant les plans faussement originaux et les effets racoleurs. L’amour ouf est une œuvre prévisible et complaisante dans sa violence comme dans sa volonté de soutirer des larmes. Une pizza au fromage fleur bleue (cheesy, diraient les Anglos) créée sur mesure pour faire fondre les cœurs.

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL DE CANNES

Image tirée d’All We Imagine As Light

All We Imagine As Light : lumineux et poétique

Lauréate de l’Œil d’or du meilleur documentaire du Festival de Cannes en 2021 pour le fascinant mais aride A Night of Knowing Nothing, la cinéaste indienne Payal Kapadia présente en compétition un premier long métrage de fiction très inspiré, All We Imagine As Light, œuvre féministe, subtile, poétique et lumineuse qui s’intéresse aux disparités économiques, de classes sociales et de genre en Inde, ainsi qu’aux tensions religieuses.

Prabha, une infirmière de Bombay sans nouvelles de son mari exilé en Europe depuis plus d’un an, habite en colocation avec Anu, une jeune collègue insouciante, amoureuse d’un jeune homme musulman, amour que ses parents n’approuveraient pas.

Peut-on échapper à son destin ? se demande Payal Kapadia, en se penchant sur le carcan des traditions qui dictent le sort et l’existence des femmes, à commencer par les mariages arrangés et la dot. Grâce à sa musique délicate et parfaitement calibrée, à ses magnifiques tableaux dans la brume, au temps des moussons, ce qui lui donne des airs d’In the Mood for Love, All We Imagine As Light est un film dont émane une douce mélancolie.

Les frais d’hébergement pour ce reportage ont été payés par le Festival de Cannes, qui n’a eu aucun droit de regard sur celui-ci.