(Cannes) Roy Dupuis incarne dans Rumours, du trio winnipégois Guy Maddin, Evan Johnson et Galen Johnson, un premier ministre canadien qui se prénomme Maxime. C’est un grand sensible au sex-appeal indéniable – c’est Roy Dupuis… –, qui se confond constamment en excuses, auprès des femmes et des peuples ancestraux.

Lorsqu’il se fait accuser par le président français (Denis Ménochet) de tabler sur un féminisme de façade alors qu’il n’aime pas vraiment les femmes de tête, Maxime se vexe et part à courir, les larmes aux yeux et les cheveux dans le vent, en criant : « J’adore les femmes fortes ! »

Si cette description vous fait penser à un premier ministre canadien en particulier… ce n’est, bien sûr (double clin d’œil), que le fruit d’une pure coïncidence.

Délirant film de zombies apocalyptique présenté hors compétition le week-end dernier à Cannes, Rumours imagine un sommet annuel du G7 qui aurait très mal viré. Les sept dirigeants des démocraties libérales les plus riches du monde se perdent dans la forêt la nuit, dans la campagne allemande, alors qu’ils tentent de peine et de misère de rédiger une déclaration provisoire.

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Roy Dupuis au côté de l’actrice Cate Blanchett, dimanche, à Cannes

Avec Roy Dupuis en premier ministre canadien et Denis Ménochet en président français ti-Jo Connaissant qui rappelle François Hollande, le film met en scène une distribution de haut vol. Cate Blanchett incarne notamment une chancelière allemande aux airs d’Angela Merkel qui en pince pour le beau Maxime, et Alicia Vikander interprète la présidente de l’Union européenne, une ancienne flamme du séducteur en série québécois, qui souffle simultanément sur plusieurs braises…

Roy Dupuis a décrit dimanche en conférence de presse son personnage comme « un homme à femmes, un passionné, une espèce d’adolescent, dans le fond ». C’est bien le premier ministre Trudeau qui l’a inspiré dans son jeu, dit-il, mais peut-être pas celui auquel on pense.

« Guy, Evan et Galen nous ont envoyé à tous des films d’archives sur différentes réunions du G7 », a répondu le comédien à la question posée par ma consœur Catherine Beauchamp. « J’ai visionné des archives de plusieurs premiers ministres. C’est sûr que personnellement, j’ai un faible pour Pierre Elliott Trudeau, qui est vraiment comme une rock star, dans le fond, et qui a énormément de charisme. Il est probablement la raison pour laquelle le Canada s’est retrouvé dans le G7. Il paraît ! Je lance des rumeurs peut-être… »

« On est allés dans le délire »

Rumours est le premier film en sélection officielle à Cannes de Guy Maddin (The Saddest Music in the World, My Winnipeg) ainsi que de ses coréalisateurs Galen et Evan Johnson. Le trio, qui avait réalisé le documentaire The Green Fog, en 2017, a insisté sur le fait que cette comédie n’est pas « idéologique », même si au travers de l’humour absurde et des métaphores, il y a inévitablement des messages qui sont transmis, en particulier sur l’inaction et l’hypocrisie des dirigeants politiques face aux inégalités sociales et à la crise climatique.

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Le réalisateur Guy Maddin à la conférence de presse de Rumours, dimanche, à Cannes

« Ce n’est pas un film à message. On est allés dans le délire, sans se donner de limites ! », explique Guy Maddin. « Tous les chefs de gouvernement, notamment en Australie et au Canada certainement, se sont excusés auprès des peuples aborigènes et des Premières Nations. Mais souvent, c’est de la vertu ostentatoire ou une façon de se dédouaner », ajoute-t-il.

« Les politiciens canadiens font des excuses qui ne sont pas sincères à propos de choses énormes comme un génocide ou de grands crimes coloniaux et ensuite se disent : c’est bon, c’est réglé ! », ajoute Evan Johnson, qui signe le scénario et les dialogues de ce film par moments hilarant.

Le Britannique Charles Dance joue un vieux président américain qui s’endort à tout moment. Lorsque le président italien, un benêt au grand cœur, lui demande pourquoi il a un accent british, ils sont interrompus et on n’a jamais la réponse. « C’est une des premières idées qu’on a eues et on n’y a jamais dérogé », précise Guy Maddin, dont l’ensemble de l’œuvre peut être décrite comme surréaliste.

Entre la satire politique et le film d’horreur comique, Rumours, qui se moque allégrement du charabia bureaucratique, n’offre certainement pas une image flatteuse des dirigeants politiques occidentaux.

« C’est étrange de voir les images d’archives du G7, remarque Cate Blanchett. Ça ne ressemble à rien de naturel. C’est de la performance pour les caméras. On ne sait pas ce qu’ils se disent, au loin. Ils ont l’air perdus. Aussi étrange que soit ce film, il a à mon sens une qualité documentaire. »

Ainsi que le pouvoir de nous faire rire jaune.

Les frais d’hébergement pour ce reportage ont été payés par le Festival de Cannes, qui n’a eu aucun droit de regard sur celui-ci.