« C’est tellement un univers loin de moi ! »

Sarah Baril Gaudet pourrait difficilement dire mieux. Toute petite, avec ses airs de sage première de classe, la réalisatrice signe pourtant Celles qui luttent, un documentaire drôlement galvanisant sur la lutte au féminin, dans un ring près de chez vous. Tassez-vous de là, ça va fesser. Au sens propre, bien évidemment.

Pas de doute, après l’exposition Le Québec dans l’arène à Québec, le spectacle Slam !, de Robert Lepage, à la Tohu ces jours-ci, puis ce documentaire, en salle dès ce vendredi et au festival Vues sur mer à Gaspé le mois prochain, il y a de l’intérêt dans l’air pour cette discipline par ailleurs longtemps snobée. Une discipline d’autant plus intéressante que Sarah Baril Gaudet (Là où je vis, Passage, Les bienveillants) la présente ici sous un angle féministe, à travers des portraits de véritables guerrières, devant ramer solide pour faire leur place, concilier leur vie et leurs ambitions, dans un univers de gros pectoraux assez masculin merci, plus violent, tu meurs.

Vecteur d’émancipation

Il faut les voir arriver sur scène, pardon, sur le ring, dans leur costume scintillant de conquérante, pour saisir l’ampleur de la force, mais surtout de la détermination ici requise, assez communicatrice, si vous voulez notre humble avis.

La lutte comme vecteur d’émancipation, vous dites ? Pourquoi pas. C’est du moins ce que la réalisatrice s’est dit, après avoir assisté à son tout premier « spectacle féminin », à Ottawa, il y a quelques années de cela. « J’ai vraiment eu un coup de cœur ! »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Sarah Baril Gaudet

J’ai été impressionnée par leur audace, leur talent, leur côté provocant !

Sarah Baril Gaudet, réalisatrice

« Et par leur capacité à sortir des stéréotypes de la femme fragile ! », ajoute-t-elle en entrevue.

C’est après avoir assisté à un ou deux spectacles avec des amis, dans des sous-sols d’église d’Hochelaga-Maisonneuve, puis surtout après avoir visionné la série Glow sur Netflix (mettant en scène les Gorgeous Ladies of Wrestling) que Sarah Baril Gaudet s’est franchement intéressée au phénomène en général, et à la lutte au féminin en particulier. « Et je me suis posé la question : est-ce qu’il y a des lutteuses au Québec ? »

Quelques recherches plus tard, elle découvrait l’organisme Femmes Fatales, voué à la promotion de la lutte féminine en Amérique du Nord, et assistait à son premier spectacle à Ottawa, assez mémorable, quand on sait que ce jour-là, la lutteuse québécoise LuFisto a fait un trou dans un mur, d’un violent coup de poing (de pied, de chaise ou autre, au choix). « Ce n’était pas arrangé, raconte la réalisatrice émerveillée. Ça arrive ! Et c’est ça qui rend le spectacle aussi intéressant ! » D’où son emballement : « Wow, je veux rencontrer ces femmes ! »

L’empowerment des femmes

C’est aussi cette même LuFisto (début quarantaine, pionnière au Québec à titre de lutteuse depuis ses 17 ans !) que l’on retrouve tout le long du film. À ses côtés : Loue O’Farrell (jeune mère, qui était de la cérémonie d’ouverture de l’exposition au Musée de la civilisation), sans oublier Azaelle (mère en devenir, on la voit faire un test de grossesse avant chaque combat dans le film), véritable personnage avec sa chevelure rouge feu, ses bottes blanches, ses bas résille et son costume de superhéroïne.

On les entend se confier, raconter leurs ambitions et déceptions, autour de cette grande « passion » partagée, qu’elles voient comme un exutoire : « Ça me permet de sortir de ma carapace de maman et d’explorer toutes les facettes de ma personnalité », dit aussi Loue à la caméra.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Les lutteuses Azaelle et LuFisto entourant Sarah Baril Gaudet.

Ce sont des femmes ordinaires qui deviennent des Super Women !

Sarah Baril Gaudet, réalisatrice

« Pour moi, c’est un vecteur d’empowerment pour ces femmes ! »

Qui s’en surprendra ? « Dans le cadre de mes entrevues avec elles, je me suis rendu compte qu’elles vivaient des enjeux, en matière d’âgisme, de maternité, de grossophobie, qui rejoignent les enjeux des femmes en général », ajoute la réalisatrice.

IMAGE FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Celles qui luttent, un documentaire signé Sarah Baril Gaudet, arrive en salle ce vendredi.

Est-ce à cause de la nature du sujet, de la mise en scène ou des costumes ? Toujours est-il que le documentaire se regarde telle une véritable fiction, qui sent l’action à plein nez, avec ses gros plans sur les combats chorégraphiés, sa grosse musique qui arrache, et toutes ses émotions fortes de circonstance. « Je voulais qu’on sente l’action ! […] Qu’on vive l’adrénaline ! » Mission accomplie.

Sarah Baril Gaudet exploite aussi à fond les contrastes, alternant entre scènes de combat et de vie privée, un coup de poing bien placé ici, et des confidences en changeant le bébé ou en nourrissant le chat là, pour dresser un portrait aussi contrasté qu’éloquent du milieu.

« C’est un univers complexe pour ces femmes, poursuit-elle, elles veulent être acceptées parmi les hommes […] et il y a quelque chose de beau à voir leur solidarité. » Ainsi en témoignent, énième contraste, les nombreuses scènes où elles s’arrachent littéralement la tête devant public, avant de s’embrasser aux larmes dans les coulisses.

Son souhait ? « Moi, j’ai été touchée par la passion de ces femmes-là qui ont réussi à se faire une place malgré tous les enjeux qu’elles vivent. J’ai envie que les gens soient inspirés ! dit-elle. Oui, c’est violent, mais il y a un côté cathartique qui fait du bien ! »

En salle le 29 mars

Consultez l’horaire des projections spéciales avec la réalisatrice et des lutteuses

Pour en savoir plus sur la lutte féminine au Québec

Femmes Fatales : organisme de promotion de la lutte féminine au Québec

Consultez le site de Femmes Fatales

WWS : le Women’s Wrestling Syndicate est un organisme fondé par la lutteuse québécoise LuFisto visant la promotion de combats par et pour les femmes.

Consultez le site du Women’s Wrestling Syndicate

NSPW : académie de lutte mixte fondée à Pont-Rouge, la North Shore Pro Wrestling a vu évoluer de nombeux grands noms de la lutte.

Consultez le site du NSPW