(Los Angeles) Les studios ont négocié de manière malhonnête pour gagner du temps et promouvoir leurs blockbusters estivaux avant la grève des acteurs d’Hollywood, a estimé jeudi auprès de l’AFP Fran Drescher, la présidente de la SAG-AFTRA, puissant syndicat qui fédère l’ensemble des comédiens aux États-Unis.

« Nous avons été dupés », a fustigé la star de la série phare des années 90 « Une nounou d’enfer », en se disant « profondément déçue » juste après l’annonce de cette grève historique.

Les représentants des studios et des plateformes de diffusion en continu « sont restés en coulisses, ils n’ont cessé d’annuler nos réunions », a-t-elle raconté. « C’était probablement pour avoir plus de temps pour promouvoir leurs films de l’été. »

La grève des acteurs va paralyser la production de séries et de films aux États-Unis, qui tournait déjà au ralenti depuis début mai à cause de celle des scénaristes. Ce double mouvement social réunissant visages et plumes de l’industrie est une première depuis 1960 à Hollywood.

PHOTO MARK J. TERRILL, ASSOCIATED PRESS

Des personnes manifestant devant l’édifice de Netflix à Los Angeles

Le débrayage des 160 000 acteurs et autres professionnels du cinéma représentés par la SAG-AFTRA leur interdit de participer à toute forme de promotion, que ce soit lors de premières, sur les tapis rouges des festivals ou sur les réseaux sociaux.

De quoi sérieusement handicaper la promotion de grosses productions estivales, comme le très attendu Oppenheimer de Christopher Nolan.

Avant de franchir le pas, le syndicat a d’abord accepté une prolongation des pourparlers d’une douzaine de jours, repoussant l’échéance jusqu’à mercredi soir au lieu du 30 juin.

Pendant cette période, des mastodontes du box-office comme Barbi ou le nouveau Mission Impossible ont pu assurer leur promotion en bénéficiant de l’aura de grandes stars comme Tom Cruise, Margot Robbie et Ryan Gosling.

« J’ai peut-être été naïve, car c’était ma première grande négociation », a regretté Mme Drescher. « La cupidité est au cœur de tous les malheurs du monde. Et ceci en est un parfait exemple. »

« Remplacés par l’intelligence artificielle »

« Je pensais vraiment que nous pourrions parvenir à une convergence des points de vue. Qu’ils verraient à quel point ce nouveau modèle commercial a été imposé à l’ensemble du secteur », a-t-elle ajouté, en faisant référence à l’avènement du streaming.

Comme les scénaristes, les acteurs réclament une revalorisation de leurs rémunérations « résiduelles », qui découlent de chaque rediffusion d’un film ou d’une série et ont dégringolé à cause du streaming.

Substantiels pour la télévision car calculés en fonction du tarif des publicités, ces émoluments sont bien moindres avec les plateformes de diffusion en continu, qui ne communiquent pas leurs chiffres d’audience et paient un forfait, indépendamment du succès.

« Je trouve ça fou qu’ils ne veuillent pas s’asseoir et dire “nous devons vous accompagner de manière honorable et respectueuse, afin que vous puissiez vivre avec ce changement important », a poursuivi Mme Drescher.

L’autre point majeur des négociations concerne l’usage de l’intelligence artificielle, qui se développe rapidement à Hollywood. Disney a par exemple eu recours à une IA pour créer le générique de sa nouvelle série Marvel, « Secret Invasion ».

Les acteurs réclament des garanties contre le clonage de leur voix et de leur image, susceptibles d’être utilisés sans leur consentement.

« Nous allons être systématiquement remplacés par l’intelligence artificielle », a redouté Mme Drescher. « Nous allons continuer à être marginalisés et je suggère à tout le monde de se réveiller. »

L’Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP), qui représente les studios et plateformes de streaming, a assuré jeudi avoir offert « des augmentations salariales […] historiques » et « une proposition révolutionnaire concernant l’IA qui protège l’image numérique des acteurs ».

Dans un communiqué, elle a regretté que la SAG-AFTRA « ait choisi une voie qui conduira à des difficultés financières pour des milliers de personnes ».

Le patron de Disney, Bob Iger, a lui fustigé les exigences « irréalistes » des acteurs et scénaristes sur la chaîne CNBC.  

Malgré sa frustration à l’égard des studios, Mme Drescher a rappelé que « la porte de la SAG-AFTRA restait ouverte pour poursuivre les négociations ».

« La grève n’est pas la fin, c’est juste l’étape suivante », a-t-elle insisté. « Nous aimerions continuer à négocier avec eux. Mais la balle est dans leur camp. »