(Berlin) « En toute transparence, je tremble ! » On ne l’aurait pas deviné. Kristen Stewart s’est présentée jeudi à la traditionnelle conférence de presse du jury de la 73e Berlinale, dont elle est la présidente, et a répondu aux questions avec aplomb, éloquence et un soupçon de défiance.

Les photographes se l’arrachaient, avec sa coupe de cheveux garçonne style Frodo du Seigneur des Anneaux, sans chemisier sous un tailleur-pantalon Chanel de tweed orangé de style néo-hippie. Je n’ai pas osé regarder trop longtemps son veston, de crainte d’halluciner un message caché comme dans une stéganographie.

La comédienne de Spencer et de Sils Maria ne tremblait pas parce qu’elle avait froid, contrairement à son collègue du jury, le cinéaste hongkongais Johnnie To, un habitué du Festival Fantasia à Montréal, qui portait un manteau d’hiver. C’est vrai qu’à Berlin en février, il « fa fred », comme on dit à Barcelone.

Kristen Stewart tremblait devant la tâche qui lui incombe, à elle et à son jury : choisir, parmi les 20 films de la compétition sélectionnés par le directeur artistique italien Carlo Chatrian et son équipe, ceux qui mériteront un Ours d’or ou d’argent.

Il y a des titres de cinéastes bien connus – les Allemands Margarethe Von Trotta et Christian Petzold, les Français Philippe Garrel et Nicolas Philibert ou encore l’Australien Rolf de Heer – et moins connus, dont le jeune Canadien Matt Johnson (The Dirties), qui a réalisé Blackberry, sur les hauts et les bas des créateurs du téléphone du même nom.

« J’ai hâte de voir comment cette expérience va nous changer », a déclaré Kristen Stewart, qui fut jurée à Cannes en 2018 et qui est connue autant des cinéphiles pour les films d’Olivier Assayas et de Pablo Larrain que du grand public pour le rôle de Bella dans la série des Twilight, qui l’a révélée il y a 15 ans.

« S’ouvrir à quelque chose de nouveau est la raison pour laquelle les festivals existent, croit la (bientôt) cinéaste de 32 ans. Pas juger ce qui est le meilleur, qui est un concept éphémère. J’ai une préférence pour ce qui est difficile, ce qui dérange. La Berlinale est un festival qui, historiquement, confronte et est politique. »

L’actrice iranienne Golshifteh Farahani, qui vit en France depuis le magnifique À propos d’Elly d’Asghar Farhadi, Ours d’argent à Berlin en 2009, croit de son côté que le cinéma peut réconforter en temps de troubles politiques. « Avec ce qui se passe en Iran, en Ukraine, avec le tremblement de terre (en Turquie et en Syrie), on peut avoir l’impression que le monde se désintègre, dit-elle. L’art et la culture sont comme un feu. On peut se rassembler autour pour se réchauffer. »

Celle qu’on a vue dans Paterson de Jim Jarmusch et plus récemment dans Un divan à Tunis de Manele Labidi compte se battre pour la liberté, dit-elle, en Iran et dans le monde. « Dans une dictature comme l’Iran, l’art n’est pas juste intellectuel ou philosophique, c’est essentiel comme de l’oxygène. »

Bouffée d’air frais dans une conférence de presse autrement consensuelle, le cinéaste roumain Radu Jude (Bad Luck Banging or Looney Porn, Ours d’or 2021) a tourné quelques questions de journalistes en dérision et a même semblé répondre indirectement à la productrice américaine Francine Maisler, aussi du jury, qui se félicitait que Top Gun : Maverick ait « sauvé » le cinéma dans la dernière année.

Jude a cité Isidore Isou, poète roumain d’avant-garde qui, dans son film Traité de bave et d’éternité (1951), disait que « le cinéma est l’industrie de l’argent et de la stupidité ». « Il n’avait pas tort, dit-il. Même si nous sommes ici pour voir des films qui ne feront pas d’argent et sont peut-être moins stupides. »

Kristen Stewart, qui a déclaré dans la foulée que l’industrie cinématographique pouvait en effet être « stupide et gênante », a dit souhaiter que le jury qu’elle préside plébiscite un film qui ne fait pas l’unanimité. « J’espère que nous choisirons celui qui sort du lot. Si on n’est pas tous d’accord, c’est probablement parce qu’il est bon ! » Ça promet.