(Park City, Utah) Trois cinéastes du Québec ont été sélectionnés pour présenter leurs œuvres au festival du film de Sundance. Le plus connu, Xavier Dolan, doit assister à la projection de sa série La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé ce mardi. À l’exemple de cet habitué des grands festivals, Aziz Zoromba et Alec Pronovost ont eux aussi l’honneur de rejoindre l’industrie et le public étranger à partir de Park City. La Presse leur a parlé.

Le court métrage Simo, du réalisateur montréalais Aziz Zoromba, témoigne parfaitement du potentiel international des œuvres cinématographiques québécoises. Lauréat du prix du meilleur court métrage canadien au Festival du film de Toronto, sélectionné en compétition officielle à l’édition 2023 de la Berlinale, le film est présenté ces jours-ci au festival Sundance.

Un triplé international prestigieux que le cinéaste reçoit avec une certaine incrédulité. « C’est un sentiment incroyable, c’est encore mieux que dans mes rêves, dit-il. Ça me rend fier, mais je n’ai pas le temps de vraiment tout réaliser.

Ç’a été tellement rapide et des fois, je me dis que c’est un peu trop beau pour être vrai.

Le réalisateur québécois Aziz Zoromba

Simo est « le film qu’Aziz a toujours voulu faire », décrit Rosalie Chicoine Perreault, productrice du projet. Le court métrage raconte l’histoire de deux frères d’origine égyptienne et de la tournure dramatique que prend un geste anodin fait par l’un d’eux. « C’est une histoire d’assimilation et de la façon de s’assimiler sans effacer sa culture, décrit Aziz Zoromba. Le message, c’est que même si on vient d’une autre culture, on est québécois, que certaines personnes le veuillent ou non, et on est aussi fiers de nos racines. »

Ce message résonne très fort au-delà des frontières du Québec, mais aussi à domicile, où il a remporté le prix du public du Festival du nouveau cinéma. Plusieurs médias d’ici ont toutefois oblitéré sa présence à Sundance. « Ça arrive tout le temps, soulève-t-il. Souvent, les gens racisés doivent mettre deux fois le travail pour un même résultat. On voit les noms de réalisateurs comme moi et on se dit qu’ils ne sont pas québécois, alors on passe par-dessus. »

Pour Aziz, Sundance, comme les autres festivals, est « une manière de se prouver ». Sa présence à Park City consiste en beaucoup de rencontres (stressantes) avec des agents et des producteurs, raconte celui qui a déjà été sélectionné au festival en 2019 pour le programme Ignite, qui soutient la relève. « J’avais pu voir tout l’aspect business et le marché américain, envers lequel je ne suis pas vraiment attiré », confie-t-il.

La reconnaissance qu’il reçoit avec sa sélection dans la section court métrage du festival lui importe bien plus que l’idée de vendre son travail au plus offrant sur le marché international.

PHOTO MARISSA GROGUHÉ, LA PRESSE

Le cinéaste Aziz Zoromba

Mon rêve, c’est de faire de gros films. Mais je suis jeune, j’ai des outils à apprendre encore et je veux être au Québec pour les apprendre.

Le réalisateur québécois Aziz Zoromba

Le respect de la comédie

Dans un café du centre-ville de Salt Lake City, le réalisateur Alec Pronovost décrit la même routine à Sundance qu’Aziz. Des rencontres avec des représentants du milieu, des séances de photos et, surtout, la projection en première mondiale de son court métrage, Piscine Pro, devant des centaines de personnes au Prospector Square Theatre de Park City, la veille.

Une expérience aussi angoissante qu’exaltante pour celui qui réalise des comédies. « Tu te demandes si ça va lever, parce que ce serait plate que ça ne réagisse pas, dit-il. Mais tout le monde dans la salle a réagi très fort, ça a vraiment ri, c’était très cool. »

PHOTO MARISSA GROGUHÉ, LA PRESSE

Alec Pronovost

Les courts métrages sont présentés par groupes de six. Le niveau est très élevé, dit-il, ce qui ajoute à l’honneur d’être parmi les 64 sélectionnés. « Sundance, c’est un des premiers festivals dont tu entends parler quand tu commences à faire ça dans la vie, dit Alec Pronovost. Tous les grands sont passés par là. »

À Park City, il ressent « la curiosité et l’amour du cinéma ». « Il y a les cartes d’affaires, mais ça part de l’amour des films. Les gens veulent parler, l’énergie est bonne. »

Alec Pronovost, qui réalise des projets toujours tournés vers l’humour (Le Killing, Complètement lycée, Jeep Boys), sait que nombre de ses idoles ont débuté à Sundance, un festival qui « est ouvert à la comédie ».

Dans le milieu, la comédie, c’est moins prestigieux, moins populaire. C’est vu comme moins cool. Mais pas à Sundance. Ici, ils ont toujours vu le potentiel artistique et la valeur créative derrière ça, et le fait que c’est une forme d’art, une culture en soi.

Alec Pronovost

Sundance a ainsi toujours été un « fantasme » pour lui. C’est finalement avec Piscine Pro, un court métrage « sans ambition de festival », qu’il atteint ce rêve. Le film de huit minutes raconte le quotidien d’un diplômé universitaire contraint à travailler dans un magasin de piscine pour gagner sa vie. « J’ai ressenti le besoin de faire ce film pendant que je faisais un contrat de réalisation qui ne me stimulait pas, raconte Alec. Ça m’a ramené à quand je travaillais chez Club Piscine à la fin de mon bac en cinéma. J’ai régurgité ces émotions que je vivais, quand tu ne te sens pas à ta place, que tu as envie de faire plus, mais que tu es obligé d’être là. »

TIRÉE DU COURT MÉTRAGE PISCINE PRO

Une scène tirée de Piscine Pro

À l’époque, des amis de son bac avaient été sélectionnés au festival. « Dans le film, ça a inspiré une scène où un ami d’école va voir [le personnage principal] et lui parle de sa vie super cool à l’international. Il est content pour lui, mais ça le brise, raconte Alec Pronovost. Il y a quelque chose symbolique : j’ai fait un film sur ces déceptions-là et il m’a finalement amené ici. »

Et maintenant qu’il est à Sundance, le festival attise chaque jour sa passion pour le cinéma. « Le but, maintenant, c’est d’y aller avec un long métrage, dit-il. Je veux prendre le temps d’écrire mon film. Ça m’a rappelé de ne pas m’en aller trop loin de ça, que c’est ça mon rêve et que ç’a toujours été ça. »

Dolan attendu cette semaine

Xavier Dolan, qui n’a plus à faire ses preuves dans le milieu du cinéma, a aussi une présence à Sundance dans son agenda. Aucun festival ne résiste à cet habitué du circuit international. Avec sa toute première série, La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, Dolan a séduit le public québécois, tout comme le marché français, qui la présente depuis lundi au petit écran. Renommée The Night Logan Woke Up, cette adaptation d’une pièce de Michel Marc Bouchard figure aujourd’hui parmi les quatre séries choisies au festival. Elle sera projetée en présence du cinéaste ce mardi. La Presse y sera.

Le festival du film de Sundance se poursuit jusqu’au 29 janvier.