Le vénérable réalisateur chinois John Woo a reçu un prix honorifique pour sa carrière, vendredi, à l’occasion de son passage au festival Fantasia. Le célèbre cinéaste, qui a révolutionné le cinéma d’action, offrira une classe de maître et discutera avec son public montréalais ce samedi. La Presse s’est entretenue avec lui avant son arrivée dans la métropole.

« Ce sera une conversation intime, comme si je parlais à un ami, indique le cinéaste, joint à Los Angeles. Je vais faire partager mon expérience sur mes films, mon parcours. Je ne me vois pas comme un maître. Je suis un simple réalisateur comme il y en a tant d’autres. »

C’est qu’il est modeste, l’homme qui a bouleversé le cinéma d’action à jamais, élevant ce genre pour en faire de l’art. Il devient pratiquement un opéra devant sa caméra, emplissant l’écran de chorégraphies stylisées, de violentes fusillades poétiques où tout le monde se tient en joue et de ralentis à couper le souffle. Son influence s’est notamment fait ressentir sur les œuvres de Quentin Tarantino, Robert Rodriguez, Johnnie To et même du groupe musical Wu-Tang Clan, donnant des munitions aux Matrix, John Wick et autres The Raid afin de les rendre encore plus spectaculaires.

Il y a des gens à Hollywood et ailleurs qui aiment tellement mes films qu’ils se sont mis à imiter mon style. Je n’en reviens toujours pas.

John Woo

Interrogé pour savoir ce qu’il pense des films d’action contemporains comme les longs métrages de superhéros et la franchise Fast & Furious qui fracassent régulièrement le box-office, John Woo, qui a commencé sa carrière auprès de la mythique maison de production Shaw Brothers, ne cache pas son désintérêt.

« Je ne porte pas attention à tout ça, lance-t-il en riant. Pour être honnête, je ne les regarde pas. Je sens que maintenant, les films d’action ne pensent qu’à la fantaisie et ils en oublient les personnages. Avant, ce type de production pouvait nous donner des occasions de réfléchir. Ce n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui. Des cinéastes comme Akira Kurosawa privilégiaient l’humanité dans l’action. C’est d’ailleurs toujours ce que j’ai essayé de faire. De nos jours, il est difficile de trouver un très bon film d’action. »

Toujours plus loin

Surfant sur la Nouvelle Vague hongkongaise, John Woo a débarqué avec son lot de classiques comme A Better Tomorrow, The Killer et Hard Boiled à une époque – le milieu des années 1980 et le début des années 1990 – où le cinéma asiatique était encore marginalisé. Il l’a aidé à se démocratiser et à étendre sa popularité auprès du public occidental.

« Je n’essaie pas d’être humble, mais j’ai également beaucoup appris de l’Occident, seulement dans le cinéma que j’ai pu voir plus jeune, concède le créateur. Je ne savais pas que mes films pouvaient avoir un tel impact. J’ai seulement fait ce que je voulais faire, en suivant mes instincts, en toute liberté, sans penser à plaire… Au fil des années, je me suis fait plein d’amis partout sur la planète, qui aiment mon travail et qui me permettent de me sentir moins seul. »

Cela lui a permis de faire carrière aux États-Unis et de réaliser de nombreux films remarqués, dont le deuxième épisode de Mission : Impossible. Son chef-d’œuvre en langue anglaise demeure toutefois Face/Off, dans lequel John Travolta et Nicolas Cage échangent leurs visages. L’opus devenu culte célèbre cette année son 25e anniversaire et il sera projeté à Fantasia ce dimanche.

« J’ai tellement eu du plaisir sur ce film ! se remémore le metteur en scène de 76 ans. J’avais la confiance totale du studio. Je pouvais faire ce que je voulais, ce qui est très rare pour une immense production américaine. J’ai eu la latitude de modifier le scénario, de privilégier les aspects humains. Puis il y avait ces deux grandes stars qui ont offert quelques-unes de leurs meilleures performances. J’ai de si beaux souvenirs de cette époque. »

Depuis, le temps a coulé sous les ponts, les projets se sont succédé et le dernier samouraï du film d’action n’a pas dit son dernier mot. Il prépare son retour à Hollywood l’année prochaine avec Silent Night, un récit sans dialogue.

« Tout ce que je souhaite est de tourner dans différents pays, pas seulement en Chine ou aux États-Unis, confie-t-il. Peut-être que dans l’avenir, je vais pouvoir réaliser un film à Montréal. La ville est si belle et c’est certain que je mettrais la neige à profit. Ce serait superbe visuellement de voir ça au cinéma… Surtout que j’ai toujours voulu faire un film en français, peut-être dans la lignée de ceux de Jean-Pierre Melville. J’espère que ça se concrétisera un jour. »

John Woo donne une classe de maître ce samedi à 15 h, au cinéma du Musée. Entrée libre.

Consultez le site de Fantasia pour plus d’information sur la classe de maître

Face/Off est présenté le 17 juillet à 16 h, à la salle J. A. De Sève.

Consultez le site de Fantasia pour des informations sur la projection de Face/Off