(Paris) L’Ukraine sera présente « dans tous les esprits » en mai au 75e Festival de Cannes, dans le sud-est de la France : deux générations de cinéastes de ce pays en guerre depuis l’invasion russe présenteront des films évoquant conflits et déplacement de populations.

Ils côtoieront un film d’un iconoclaste russe, celui de Kirill Serebrennikov, qui a quitté légalement son pays et dont le nouvel opus La femme de Tchaïkovski sera en compétition officielle.

« Partout dans le monde, on continue à faire du cinéma, y compris dans des pays comme l’Ukraine » où « le cinéma n’est pas la préoccupation majeure en ce moment », a souligné jeudi le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux.

« Bien entendu, la question de la guerre en Ukraine est dans tous les esprits et elle le sera, j’espère dans ceux aussi des festivaliers », a-t-il ajouté.

Le Festival de Cannes avait annoncé début mars qu’il n’accueillerait pas de délégations russes ou « la présence de la moindre instance liée au gouvernement », tant que l’invasion de l’Ukraine par la Russie se poursuivrait. Une mesure qui ne s’applique pas aux artistes en rupture avec le régime.

Connu pour ses créations osées, son soutien aux personnes LGBT+ et sa critique indirecte du régime de Poutine, Kirill Serebrennikov, 52 ans, est pour la troisième fois en compétition à Cannes.

Il est également metteur en scène et ouvrira en juillet le Festival d’Avignon, dans le sud-est de la France.

Il n’a jusqu’ici jamais pu se rendre au Festival de Cannes, ni pour Leto (2018) ni pour La fièvre de Petrov (2021), car il était alors frappé d’une interdiction de sortie de Russie, en raison d’une affaire de détournement de fonds pour laquelle il avait été condamné en 2020.

Le 1er avril, il confirmait à l’AFP qu’il avait quitté la Russie légalement et se trouvait à Berlin, après une remise de peine dans cette affaire, jugée politisée par ses partisans.

Artiste aux multiples facettes, il répète également en ce moment à l’Opéra d’Amsterdam, une production de l’opéra Der Freischütz (le franc-tireur) du compositeur Carl Maria von Weber.

Films prophétiques ?

En pleine guerre en Ukraine, le festival a sélectionné hors compétition un cinéaste ukrainien connu, Sergei Loznitsa, et son compatriote Maksim Nakonechnyi, qui réaliste son premier film.

« Sélectionner un film à Cannes reste quand même une sélection artistique, il y a deux films ukrainiens qui sont là, dont un qui évoque la guerre du Donbass il y un an deux ans-trois ans mais dont on peut croire qu’il a été filmé il y a 15 jours », a commenté M. Frémaux.

Le nouveau film de Sergei Loznitsa s’intitule The Natural History of Destruction et sera présenté en séance spéciale.

Il est basé sur un texte de l’essayiste allemand W. G. Sebald (1944-2001), dans lequel est décrite la destruction massive des villes allemandes par les raids aériens massifs des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale.

Régulièrement invité à Cannes, avec des films comme Maïdan, sur la révolution ukrainienne, ou Donbass, Sergei Loznitsa, 57 ans, était l’an dernier sur la Croisette pour présenter Babi Yar, sur le massacre de plus de 30 000 Juifs en 1941, à l’ouest de Kyiv.

En mars, en réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le cinéaste, dont les films sur l’Ukraine prennent une allure prophétique, avait comparé la Russie actuelle au régime soviétique.

« La Russie contemporaine est une héritière officielle de l’URSS. On pourrait dire qu’elle applique exactement les mêmes méthodes envers les Républiques qui l’environnent », avait-il affirmé à l’AFP.

Dans la catégorie Un certain regard, le jeune Maksim Nakonechnyi présente Bachennya Metelyka (Butterfly Vision).

Selon M. Frémaux, le film tourne autour d’une jeune enseignante « qui s’est engagée dans la guerre et a été enlevée » et qui « revient dans le pays au profit d’un échange de prisonniers ».