(Paris) Le Festival de Cannes fêtera en mai sa 75e édition avec le retour du cinéma-choc de David Cronenberg, une nouvelle place en compétition pour le Russe Kirill Serebrennikov, en rupture avec la ligne du régime de Poutine, et seulement trois réalisatrices en lice pour la Palme.

Parmi les cinéastes cultes attendus : David Cronenberg (Crash), qui promet une nouvelle fois de secouer le public. Les crimes du futur réunit Viggo Mortensen, qui côtoie Kristen Stewart et Léa Seydoux.

Autre gros calibre sur le tapis rouge : James Gray (Ad Astra) présentera Armageddon Time, avec Anne Hathaway et Oscar Isaac, dans le New York des années 80, en pleine ascension de la famille Trump.

Dix-huit films briguent à ce jour la Palme d’Or, parmi les 2200 soumis aux sélectionneurs, venus de 155 pays.  

Cinq cinéastes déjà couronnés seront en lice pour une nouvelle Palme : les Belges Jean-Pierre et Luc Dardenne (Rosetta) avec Tori et Lokita, le plus grinçant des cinéastes suédois, Ruben Östlund (The Square), avec Triangle of Sadness, le Japonais Hirokazu Kore-eda (Une Affaire de famille), qui a cette fois tourné Broker avec la vedette sud-coréenne de Parasite, Song Kang-ho, et le Roumain Cristian Mungiu (4 mois, 3 semaines, 2 jours), avec son dernier film, RMN.

Seules trois réalisatrices sont sur les rangs pour succéder à la Française Julia Ducournau, Palme d’Or 2021 pour Titane. Sa compatriote Audrey Diwan l’a ensuite emporté à Venise, avant l’Espagnole Carla Simon à Berlin, mais cette série exceptionnelle ne masque pas le déséquilibre qui demeure entre hommes et femmes dans la production mondiale, et la distribution des prix.

Russe et Ukrainiens

À Cannes, la Française Claire Denis présentera Stars at noon, un « film d’attente, d’ambiance, à la lisière du polar diplomatique » dixit Thierry Frémaux, tourné en Amérique centrale, et sa compatriote Valéria Bruni Tedeschi Les Amandiers, sur le théâtre et la figure de Patrice Chéreau. Prisée de la critique, l’Américaine Kelly Reichardt sera en lice avec Showing Up.

La présence dans cette liste de l’enfant terrible du cinéma russe Kirill Serebrennikov avec un film sur la femme de Tchaïkovski est tout un symbole, en pleine guerre en Ukraine.

Le Festival, qui a très vite annoncé qu’il n’inviterait pas de « délégation officielle » russe, a fait le choix de ce réalisateur empêché de défendre en personne ses deux précédents opus en compétition, Leto et La fièvre de Petrov, car il n’était pas autorisé à quitter son pays.

Il a enfin pu partir légalement pour rejoindre l’Europe, après l’invasion, et sa voix portera également au Festival d’Avignon, en juillet, dont il assurera l’ouverture.

Deux cinéastes ukrainiens sont aussi sélectionnés, hors compétition : un grand nom, Sergei Loznitsa, pour The Natural History of Destruction, en séance spéciale, et un nouveau venu, Maksim Nakonechnyi, qui réalise son premier film, Bachennya Metelyka, retenu à Un Certain Regard.

Quel président du jury ?

« Par des temps de tristesse et de guerre en Europe et un peu partout dans le monde […] célébrer un anniversaire, ce ne sera pas forcément célébrer le passé », a souligné le délégué général en présentant cette 75e édition, la dernière du président, Pierre Lescure.  

Le Festival n’oublie pas pour autant la fête et les paillettes : Tom Cruise doit présenter en personne le nouveau Top Gun, 36 ans après. Hors compétition aussi, résonnera la musique d’Elvis (biopic signé Baz Luhrmann), de Jerry Lee Lewis (chez Ethan Coen), de David Bowie dans un documentaire. L’Australien George Miller promet un « anti Mad Max » avec un film réunissant Idriss Elba et Tilda Swinton.  

Après la testostérone de Bac Nord, le Français Cédric Jimenez reviendra sur les attentats du 13 novembre, avec Jean Dujardin.

Le Festival n’a plus beaucoup de jours pour trouver celui ou celle qui succèdera à Spike Lee à la présidence du jury. Un casse-tête cette année : avec le redémarrage du cinéma post-pandémie et l’essor des séries, « tous les artistes travaillent », a souligné M. Frémaux.  

Le film d’ouverture en revanche est déjà connu : ça sera la comédie gore Z (comme Z) de Michel Hazanavicius, l’auteur de The Artist.

Les 18 films en compétition

Les crimes du futur de David Cronenberg

Le réalisateur de Crash (1996) n’a pas l’habitude d’épargner son public : à 79 ans, le Canadien devrait le prouver une fois de plus, avec ce film d’anticipation où il est question de transhumanisme et d’ablation d’organes avec Viggo Mortensen, Léa Seydoux et Kristen Stewart.

Holy Spider d’Ali Abbasi

Récompensé à Un Certain Regard en 2018 avec Border, le Danois d’origine iranienne aborde le thème de la quête religieuse dans un thriller se déroulant en Iran.

Triangle of Sadness de Ruben Ostlund

Le plus grinçant des réalisateurs suédois brigue une deuxième Palme d’Or, après The Square (2017), avec cette comédie satirique où il suit les passagers d’une croisière de luxe, échoués sur une île déserte et dirigés par un capitaine de navire marxiste.

Broker d’Hirokazu Kore-eda

Après sa Palme d’or pour Une affaire de famille (2018), le grand habitué de la Croisette a fait un pas de côté vers la Corée du Sud, embarquant la star de Parasite, Song Kang-ho, pour une nouvelle histoire de familles, où il est question de boîtes à bébés.

Decision to leave de Park Chan-Wook

Il a marqué la Croisette avec l’ultra-violent Old boy (Grand prix 2004) ; le Coréen Park Chan-Wook devrait de nouveau intriguer avec un enquêteur devant élucider le meurtre d’un homme retrouvé en montagne, avec pour principal suspect : la femme de la victime.

Showing up de Kelly Reichardt

Grande figure du cinéma indépendant, l’Américaine au cinéma minimaliste (First Cow) retrouve une de ses actrices fétiches, Michelle Williams, pour un film sur le quotidien d’une artiste et la manière dont elle puise dans sa vie pour son inspiration.

Boy from Heaven de Tarik Saleh

Après le succès du Caire confidentiel (2017), polar poisseux sur la corruption, le Suédois d’origine égyptienne Tarik Saleh renoue avec son acteur fétiche, Fares Fares, pour une nouvelle plongée dans l’Égypte contemporaine.

La femme de Tchaïkovski de Kirill Serebrennikov 

L’enfant terrible de la scène russe, installé à Berlin après avoir quitté la Russie dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine, est pour la troisième fois en compétition, avec un film historique autour du compositeur Tchaïkovski. Il pourrait pour la première fois monter les marches.

Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi

L’actrice franco-italienne passée avec succès à la réalisation est l’une des trois femmes briguant la Palme d’or cette année. Son film sur l’école de théâtre des Amandiers, fondée par le metteur en scène français Patrice Chéreau en région parisienne, a pour toile de fond le sida qui fait rage.

Tori et Lokita de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Les frères Dardenne, les plus célèbres représentants du cinéma social, déjà doublement palmés à Cannes, content cette fois l’amitié de deux adolescents africains exilés en Belgique et vivant dans des conditions précaires.

Armageddon Time de James Gray

Après Ad Astra, huis clos spatial porté par Brad Pitt, le réalisateur américain est revenu sur Terre avec une chronique d’adolescence portée par Anne Hathaway et Anthony Hopkins et située en plein cœur du New York des années 1980, dans une école régie par le père de Donald Trump.

Nostalgia de Mario Martone

Pour ses premiers pas en compétition, le Napolitain Mario Martone rend hommage à sa ville à travers une adaptation dramatique du roman Nostalgia de l’écrivain et journaliste italien Ermanno Rea.

Stars at noon de Claire Denis

Récompensée en février pour Avec amour et acharnement à la Berlinale, la réalisatrice française Claire Denis revient avec un « film d’attente, d’ambiance, à la lisière du polar diplomatique » dixit le délégué général du Festival de Cannes Thierry Frémaux, tourné en Amérique centrale.

Close de Lukas Dhont 

Son premier film Girl sur la transidentité lui avait valu la Caméra d’or en 2018. Avec Close, le Belge Lukas Dhont traite d’amitié à travers deux adolescents qu’un drame sépare.

Frère et sœur d’Arnaud Desplechin

Dans la continuité de son Conte de Noël (2008), le réalisateur français Arnaud Desplechin filme un drame familial avec deux frères et sœurs en conflit de longue date réunis par le décès de leurs parents. Avec Marion Cotillard et Melvil Poupaud.

RMN, de Cristian Mungiu

Palme d’or pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, drame sur l’avortement et la corruption, Cristian Mungiu continue d’ausculter les maux de la Roumanie avec un film, tourné dans un village de Transylvanie, évoquant l’effet des politiques européennes, les relations entre les communautés et le destin d’un pays.

Leila’s Brothers de Saeed Roustaee

L’Iranien Saeed Roustaee a déjà impressionné avec son polar coup de poing, La loi de Téhéran, sur le trafic de drogue. Le trentenaire arrive à Cannes avec Leila’s Brothers, directement sélectionné en compétition, sur lequel rien n’a filtré jusqu’à présent.

Hi-han, de Jerzy Skolimowski

À 83 ans, ce grand nom du cinéma polonais, pilier de la nouvelle vague dans ce pays dans les années 1960, rentré en Pologne après avoir vécu en Californie, raconte l’histoire d’un âne dans ce film sur lequel peu d’informations a filtré.