(Los Angeles) Dune, de Denis Villeneuve, est le film ayant obtenu le plus grand nombre d’Oscars, mais CODA a néanmoins remporté les statuettes dans les trois catégories où il était en lice, dont celle, ultime, du meilleur film.

Comme il arrive parfois dans une course aux Oscars, un candidat que personne n’attendait au départ a finalement dépassé les concurrents dans le dernier droit. CODA (une abréviation de Child of Deaf Adults), de Siân Heder, a obtenu l’Oscar du meilleur film, en plus de rafler celui attribué au meilleur scénario adapté. Et Troy Kotsur a obtenu l’Oscar du meilleur acteur dans un rôle de soutien. Ce dernier n’a d’ailleurs pas manqué de remercier la France, où l’idée de ce film fut portée une première fois à l’écran.

Cette adaptation américaine du film français La famille Bélier marque l’histoire en devenant le premier long métrage diffusé exclusivement sur une plateforme, Apple TV+ en l’occurrence, à obtenir la récompense hollywoodienne suprême. Il devient aussi l’un de ces rares films à obtenir l’Oscar ultime sans être cité dans la catégorie de la meilleure réalisation, un cas de figure survenu seulement trois fois depuis 32 ans (Driving Miss Daisy en 1990, Argo en 2013 et Green Book en 2019).

Six Oscars pour Dune !

L’autre grande histoire de la soirée a été celle de Dune. L’adaptation cinématographique du célèbre roman de Frank Herbert, réalisée par Denis Villeneuve (qui n’était pas en lice dans la catégorie de la meilleure réalisation), a vu six de ses dix sélections se transformer en statuettes, soit plus que tout autre film.

Et s’il était encore nécessaire de s’en convaincre, nous avons eu l’occasion de constater l’admiration que portent les artisans de Dune à Denis Villeneuve, laquelle est sans bornes. En plus de faire part de leur affection dans leurs remerciements sur scène, ils ont tour à tour rendu hommage au cinéaste québécois devant les journalistes. L’un des membres de l’équipe du son a même déclaré que Villeneuve était, en plus d’être un grand artiste, un être humain exceptionnel. « C’est le meilleur cinéaste avec lequel j’ai travaillé, a-t-il ajouté. Nous étions prêts à tout pour lui. » Et s’ils ont pour la plupart obtenu leur Oscar lors de la portion non diffusée du gala, ces artisans n’ont pas souhaité évoquer la controverse. « Nous, ce soir, on veut juste honorer Denis ! »

PHOTO JORDAN STRAUSS, INVISION/ASSOCIATED PRESS

Patrice Vermette et Zsuzsanna Sipos ont remporté l’Oscar de la meilleure direction artistique pour Dune.

Comme on pouvait s’y attendre, Dune a fait le plein de trophées dans les catégories dites plus « techniques » : son, effets visuels, trame musicale (Hans Zimmer), montage (Joe Walker), direction photo (Greig Fraser) et direction artistique. Ce dernier trophée a été remis à Patrice Vermette, qui met ainsi la main sur la précieuse statuette dorée après avoir été cité une première fois en 2010 (The Young Victoria) et une deuxième fois en 2017 (Arrival). Quand l’artisan québécois, qui partage ce trophée avec la décoratrice Zsuszanna Sipos, s’est présenté devant les journalistes, son émotion était encore palpable.

Arrivant sur la tribune un verre à la main, Patrice Vermette a d’abord levé ce verre à son ami disparu Jean-Marc Vallée, « qui me manque tous les jours », a-t-il déclaré en réprimant un sanglot. « J’aurais tellement aimé qu’il soit ici ce soir. Je pense aussi à toutes ces fois où j’ai regardé la soirée des Oscars avec mes parents quand j’étais jeune, et me voilà ici, aujourd’hui, petit gars de Montréal, avec ce trophée. C’est surréaliste ! »

Les pronostics ont été bons !

The Power of the Dog, ce film cité 12 fois (dont Roger Frappier est l’un des producteurs principaux), a par ailleurs été sauvé du blanchissage grâce à Jane Campion. La victoire de la cinéaste dans la catégorie de la meilleure réalisation – pleinement méritée – n’a d’ailleurs surpris personne. Vingt-huit ans après avoir été en lice grâce à The Piano, celle qui n’avait rien tourné pour le cinéma depuis Bright Star, en 2009, est devenue la troisième réalisatrice à mettre la main sur la statuette, succédant ainsi à Kathryn Bigelow, lauréate en 2010 grâce à The Hurt Locker, et à Chloé Zhao, dont le film Nomadland a été célébré l’an dernier.

« Je suis contente de voir le rythme s’accélérer sur le plan de la reconnaissance des femmes dans le monde du cinéma, a-t-elle déclaré. La parité compte. »

Du côté des prix d’interprétation, les pronostics ont été bons : Will Smith, qui fut au cœur d’un incident avec Chris Rock qui a pris tout le monde par surprise après que l’humoriste a fait une blague à propos de sa femme Jada Pinkett Smith, a obtenu l’Oscar du meilleur acteur grâce à sa performance dans King Richard, film dans lequel il campe Richard Williams, le père des sœurs Serena et Venus Williams. Sur scène, l’acteur, visiblement très ému, a évoqué l’accrochage en expliquant que, tel Richard Williams, il ferait tout pour « défendre sa famille ».

Jessica Chastain a, de son côté, obtenu l’Oscar de la meilleure actrice grâce à sa composition dans The Eyes of Tammy Faye, film qui fut aussi primé dans la catégorie des maquillages et coiffures. Le portrait de l’actrice va bien au-delà de l’image caricaturale associée à Tammy Faye, une femme flamboyante qui, avec son mari télévangéliste Jim Bakker, a créé le plus grand empire médiatique axé sur la religion spectacle dans les années 1970 et 1980, lequel s’est écroulé après un grand scandale financier.

Puis, Ariana DeBose a été sacrée meilleure actrice dans un rôle de soutien grâce à sa performance dans West Side Story, exactement 60 ans après que Rita Moreno eut obtenu la même statuette pour avoir joué le même rôle dans la première adaptation cinématographique de la célèbre comédie musicale.

D’autres films au tableau d’honneur

Le sublime Drive My Car, de Ryûsuke Hamagachi, aussi cité dans trois autres catégories (dont celle du meilleur film de l’année), a finalement obtenu l’Oscar du meilleur film international. Encanto a été consacré dans la catégorie du long métrage d’animation et Summer of Soul, dans celle du long métrage documentaire. Cruella s’est inscrit au tableau d’honneur grâce à ses costumes, Belfast s’est distingué en enlevant l’Oscar très convoité du meilleur scénario original, et No Time to Die, de Billie Eilish et Finneas O’Connell, a été choisie meilleure chanson.

Il est à noter que plusieurs des lauréats dont les trophées ont été remis avant la cérémonie, pour ensuite voir leur discours être amputé lors de la diffusion, ont souligné avec émotion le fait que la salle était quand même remplie pour cette portion non diffusée du gala. Un beau geste de solidarité de la part des équipes.