Si le milieu du cinéma au Québec demeure un « boy’s club », pour reprendre la formule consacrée par Martine Delvaux, la place des femmes dans la production cinématographique est plus importante que jamais, selon une nouvelle étude la parité dans le cinéma. Or, la construction d’une représentation équitable et diversifiée n’est pas encore très visible sur nos écrans.

C’est ce qui ressort d’une nouvelle recherche sur « les représentations des femmes, devant et derrière la caméra, dans le cinéma québécois de fiction récent », menée en collaboration avec l’organisme Réalisatrices Équitables, dont les faits saillants ont été dévoilés mardi.

En 2019, les femmes ont réalisé 15 des 39 films de fiction. Dans une précédente étude en 2011, les réalisatrices avaient signé à peine 7 des 35 longs métrages sortis en salle au Québec.

Autre matière à se réjouir pour les réalisatrices, elles ont bénéficié d’une augmentation de leurs budgets moyens, estimés à 2,7 millions. Il s’agit toutefois d’un rattrapage partiel, car leurs budgets moyens demeurent inférieurs à ceux des hommes, dont la moyenne en 2019 atteint presque 4,5 millions, selon l’étude.

Non-mixité

Les réalisatrices confient aux femmes des premiers rôles 84 %, et les réalisateurs accordent 72 % des premiers rôles à des hommes. Les cinéastes tous genres confondus ont tendance à embaucher des actrices plus jeunes que leur personnage, mais les réalisateurs donnent près de 60 % des rôles à des actrices âgées de 20 à 39 ans.

Autre donnée surprenante, c’est la non-mixité et la division du milieu. Parmi les 49 films à l’étude, tous les ceux réalisés par des femmes avaient été scénarisés (ou coscénarisés) par des femmes, et tous les films réalisés par des hommes avaient été scénarisés ou coscénarisés par des hommes. Cette tendance s’observe aussi chez les producteurs dans le corpus étudié : 44 % des films réalisés par des femmes sont produits par des femmes, contre 28 % qui sont produits par des hommes ; les autres projets ont été financés par des équipes de production mixtes.

Comment expliquer cette division entre les sexes ? Est-ce qu’un mouvement de solidarité féminine viendrait contrer le « boy’s club » dans l’industrie ?.

C’est une piste d’explication qui demeure à valider sur plusieurs années, nuance Anna Lupien, l’une des chercheures de l’étude. « On a aussi tendance à caractériser les films réalisés par des femmes comme du cinéma d’auteur intimiste, dit-elle, alors que beaucoup de cinéastes masculins racontent des histoires très personnelles. Chaque œuvre est unique et personnelle. C’est peut-être les préjugés du milieu qui empêchent les femmes de faire des films d’action, de genre. »

Le corpus des films étudiés relève aussi la place des personnages autochtones, racisés et de la diversité sexuelle ou de genre. Selon l’étude, la parité devant la caméra pourra être atteinte si les femmes réalisent davantage de films ou encore si les réalisateurs donnent davantage d’espace de parole aux femmes dans leurs films.

« Pour l’instant, l’éventail des représentations féminines demeure assez stéréotypé. Quoique moins sexués que dans les films du passé, les personnages de femmes restent en marge de l’histoire qui se déroule, ou passives dans le récit », conclut Mme Lupien.

Consultez l’étude