Incursion dans les coulisses de ce chef-d’œuvre du cinéma québécois et canadien

Mon oncle Antoine… ou Silent Night ?

Avant de s’appeler Mon oncle Antoine, le film de Claude Jutra a longtemps porté le nom de Silent Night. Puisque l’action se passe la veille de Noël, il y a une référence directe à la chanson Sainte Nuit. Mais c’est aussi un renvoi à « la longue nuit noire pendant laquelle le peuple québécois est demeuré silencieux sur son sort comme peuple », écrit Yves Lever dans sa biographie de Jutra. « Les gens de la distribution n’étaient pas enchantés de ce titre anglophone qui est resté ainsi jusqu’à la copie zéro », dit Marc St-Pierre, de l’Office national du film du Canada (ONF). Mais lorsqu’un membre de la production, Alain Dostie, aurait affirmé que le personnage incarné par Jean Duceppe lui rappelait son oncle Antoine, l’affaire fut conclue.

Qui est Clément Perron ?

PHOTO FOURNIE PAR L’ONF

Clément Perron, en 1973, sur le tournage du film Taureau

Qui est celui qui se cache derrière le scénario de Mon oncle Antoine ? Scénariste, réalisateur et producteur, Clément Perron (1929-1999) est originaire d’East Broughton, dans la région de Thetford Mines. Après ses études, il entre à l’ONF. Il passe par le documentaire avant de toucher à la fiction. Le scénario de Mon oncle Antoine est récompensé de deux prix, au Palmarès du film canadien et au Festival international du film de Chicago. Dans une entrevue publiée le 31 décembre 1971 dans La Tribune, Perron affirme : « Pour moi, Mon oncle Antoine est un film vrai parce qu’il raconte avec simplicité quelque chose d’important. La vérité qu’il y a dans ce film est la nôtre, ce qui ne l’empêche pas d’être universelle. » Parmi ses autres films, citons Jour après jour, sur le travail répétitif des employés d’une papetière, le drame de fiction Taureau, avec André Melançon, et Partis pour la gloire, fiction inspirée de la révolte des Beaucerons contre la conscription durant la Seconde Guerre mondiale.

Derrière la scène du chapelet

Diplômé en médecine, Claude Jutra n’avait pas peur d’être en présence de cadavres. La scène du chapelet entre les mains d’un défunt qu’on voit dans le film en est un exemple. Celle-ci fut tournée dans des conditions douteuses. Dans son ouvrage, Yves Lever raconte que, par souci de réalisme, Jutra désirait tourner la scène en gros plan avec un vrai cadavre pour en montrer la rigidité. Avec la complicité du coroner de Montréal, Brault va tourner les gros plans, de nuit, à la morgue de Montréal. Mais comme le corps du défunt était vraiment très raide, Jutra lui a cassé les os pour insérer le chapelet entre ses doigts puis le retirer. Dans le plan du film, les mains de Jean Duceppe qui enlèvent le chapelet sont en fait celles de Jutra.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Une du cahier Cinéma de La Presse le 10 février 2007

La Presse : pas de critiques, mais…

Quel a été le verdict de La Presse dans le concert de critiques publiées à la sortie de Mon oncle Antoine au Québec ? Aucune. Parce que les employés de La Presse étaient alors en lock-out. De juillet 1971 à février 1972, un conflit de travail a paralysé les activités du quotidien de la rue Saint-Jacques. Le journal n’a pas été publié du 28 octobre 1971 au 9 février 1972. Le samedi 10 février 2007, 35 ans après cette histoire, le cahier Cinéma de La Presse fait un sondage auprès de 50 personnes de l’industrie du cinéma pour leur demander de dresser une liste des 10 meilleurs films québécois de l’histoire. Mon oncle Antoine arrive premier, devant Les bons débarras, de Francis Mankiewicz, Les ordres, de Michel Brault, Léolo, de Jean-Claude Lauzon, et Le déclin de l’empire américain, de Denys Arcand.