(Paris) La comédienne Françoise Arnoul, décédée mardi à 90 ans, fut un sex-symbol des années 1950, choisie par Jean Renoir pour incarner l’éblouissante Nini de French Cancan, l’un de ses chefs-d’œuvre.

La bouche gourmande, l’œil rieur et la silhouette fine, elle a aussi joué la femme enfant vénéneuse dans Le fruit défendu d’Henri Verneuil (1952) ou l’espionne, sanglée d’un ciré noir, dans La chatte d’Henri Decoin (1958).

Née le 3 juin 1931 à Constantine (Algérie), fille d’un général d’artillerie, Françoise Gautsch — elle adopte pour pseudonyme Arnoul, l’un des prénoms de son père — passe son enfance en Algérie et au Maroc avant de s’installer à Paris avec sa famille à l’âge du lycée.

À 17 ans, elle rêve de cinéma et suit des cours d’art dramatique, soutenue par sa mère qui a elle-même eu une brève carrière de comédienne avant de se marier.

Sa première réplique, dans Rendez-vous de juillet de Jacques Becker (1949), est coupée au montage, raconte-t-elle dans Animal doué de bonheur, ses souvenirs publiés en 1995.

Elle décroche son premier rôle dans L’épave de Willy Rozier, un drame réaliste où elle incarne une danseuse. Comme elle est mineure, elle est doublée pour une scène très déshabillée.

La célébrité lui vient dès son deuxième film, Nous irons à Paris de Jean Boyer (1950), comédie musicale pleine de gaieté avec l’orchestre de Ray Ventura et ses collégiens où elle chante l’espiègle À la mi-août.

Outre Renoir, Verneuil et Decoin, elle tourne avec Roger Vadim (Sait-on jamais, 1957) ainsi que Pierre Kast (La morte saison des amours, 1960, Vacances portugaises, 1962), Julien Duvivier (Le diable et les dix commandements, 1962) ou Marcel Carné (Le pays d’où je viens, 1956).

Délaissée par la Nouvelle Vague

PHOTO CHARLY TRIBALLEAU, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Françoise Arnoul au Festival de Deauville en septembre 2016.

Elle a pour partenaires Fernandel ou Jean Gabin, auquel elle voue « une tendresse infinie ». Le cinéma français en fait son ambassadrice, aux côtés de Gérard Philipe et Jean Marais, en envoyant une délégation en Californie.

À son mariage le 31 juillet 1956 avec le producteur Georges Cravenne, futur créateur des César du cinéma, Pierre Lazareff et Maurice Chevalier sont ses témoins. Le couple divorce huit ans plus tard.

Elle est ensuite la compagne de Bernard Paul, cinéaste communiste engagé qui meurt d’un cancer en décembre 1980. Pour lui, elle met sa carrière entre parenthèses. Il la fait tourner dans Dernière sortie avant Roissy (1976), film lucide sur le malaise des banlieues.

Proche de Simone Signoret et Yves Montand, elle s’engage dans les combats de l’époque, signe en 1971 le « manifeste des 343 » pour la libéralisation de l’avortement et tourne avec Raul Ruiz Dialogues d’exilés (1974).

Petit à petit, elle quitte le haut de l’affiche. Brigitte Bardot et sa sensualité décontractée l’ont supplantée, la Nouvelle Vague l’a délaissée et les années 1970-80 l’oublient. Elle tourne pour la télévision, fait quelques apparitions au théâtre. En 1997, sa prestation dans Post coïtum, animal triste de Brigitte Roüan est saluée par la critique.

« Je n’ai jamais été vraiment intéressée par ma carrière, je joue dans les films qui me plaisent avant tout », justifiait-elle.

Les années passent, mais elle garde son sourire lumineux : « Le temps qui passe n’est jamais du temps perdu, car chaque seconde il se passe quelque chose ».

Elle voue toujours la même passion au cinéma, découvert lorsqu’elle était petite fille. Les festivals, du plus prestigieux comme Cannes, où elle préside en 1997 la Caméra d’or, aux plus modestes, accueillent volontiers celle qui disait rester « une spectatrice émerveillée ».