(Cannes) Du rire, de la beauté, des images choc : le Festival de Cannes offre cette année une tribune inédite à des films alertant à nouveau sur les ravages de la crise écologique, avec l’ambition d’interpeller le spectateur « sans le culpabiliser ».

Vingt-cinq ans après Une vérité qui dérange sur le combat de l’ancien vice-président américain Al Gore pour le climat, sorti en 2006, présenté à Cannes en 2007 puis couronné d’un Oscar, l’heure n’est plus à la démonstration scientifique.

Poussant la logique à son comble, le comédien et réalisateur français Louis Garrel prend carrément le parti de proposer une comédie légère, La croisade, où il joue aux côtés de son épouse, l’actrice Laetitia Casta, le rôle d’un père dépassé par l’engagement écolo de leur ado de 13 ans.

« Le sujet est tellement grave, dur, accablant que pour en parler, on ouvre plus de portes avec l’humour. On donne la possibilité au spectateur de ne pas se sentir acculé […], c’est trop difficile pour les gens sinon », estime-t-il.

Satire sociale, son film parle d’une « génération qui a peur de mourir » et vit en même temps « une expérience exaltante… comme une révolution, pas violente, même si elle pourrait le devenir », dit-il à l’AFP.

Pas de leçon de morale donc, mais un message qui porte quand le fils se mêle de revendre ce qui « ne sert à rien » dans l’appartement familial parisien pour alimenter une cagnotte militante, la robe Dior de sa mère, les montres de collection de son père : « Elles donnent toutes la même heure ! », justifie le jeune exalté.

Le scénario est signé du scénariste français à succès Jean-Claude Carrière, décédé en février. « Ce qui est fou, c’est que Jean-Claude Carrière a écrit (le film) avant le phénomène Greta Thunberg et les manifestations pour le climat », s’émeut Louis Garrel.

Il est l’unique représentant de cette veine comique parmi les sept films de la section « Le cinéma pour le climat » proposée cette année par le festival.

« Pas là pour culpabiliser »

PHOTO VALERY HACHE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le réalisateur Rahul Jain, 30 ans, propose avec Invisible demons, un film sur la pollution de New Delhi. Il expose des vues saisissantes de la capitale de son pays : des habitants qui toussent, étouffent, des saisons déréglées, des cours d’eau charriant une mousse blanchâtre d’où les femmes en sari qui s’y baignent semblent comme émerger de la banquise.

D’autres cinéastes font le choix de laisser parler l’image en partant à l’affût de la beauté, avec La panthère des neiges de Vincent Munier, ou de la catastrophe avec l’artiste chinois Zhao Liang (I am so sorry sur le danger des terres irradiées) et le réalisateur Rahul Jain (Invisible demons sur la pollution de New Delhi).

Ce cinéaste indien de 30 ans expose des vues saisissantes de la capitale de son pays : des habitants qui toussent, étouffent, des saisons déréglées, des cours d’eau charriant une mousse blanchâtre d’où les femmes en sari qui s’y baignent semblent comme émerger de la banquise.

Dans Bigger Than Us de la Française Flore Vasseur ou Animal de son compatriote Cyril Dion, le propos est ouvertement militant.

Tous deux emboîtent le pas à la jeunesse en lutte, avec des protagonistes à peine sortis de l’enfance, comme Bella et Vipulan, les deux lycéens que Cyril Dion suit dans leur quête de solutions à travers le monde.

L’illusion de la croissance, la relation faussée aux animaux, l’invasion du plastique… : la démonstration par Cyril Dion qu’un changement est possible se veut implacable. Ponctué d’images d’animaux et d’interviews de personnalités, comme l’éthologue Jane Goodall, la célèbre dame aux chimpanzés, il n’échappe pas à un effet catalogue.

« Nous croyons profondément que le cinéma doit jouer son rôle pour nous aider à regarder ces réalités en face […], mais quelques films ne suffiront pas à changer la donne », prévient le réalisateur français, dans une tribune cosignée par d’autres personnalités du 7e art, comme l’actrice vedette Juliette Binoche.

Dans Marcher sur l’eau, la réalisatrice française Aïssa Maiga s’est connectée à son histoire familiale et personnelle, notamment ses souvenirs du Mali et de son père trop tôt décédé « qui installait des pompes à eau sur ses deniers personnels ».

« La question du réchauffement climatique, je l’ai prise sous l’angle de l’intime », dit-elle. Son film raconte comment en l’espace de deux générations, des éleveurs qui, dit-elle, « vivaient très bien », ont été chassés par le manque de pluies.

« Je ne suis pas là pour culpabiliser qui que ce soit », mais pour « plonger le spectateur dans une réalité », dit-elle.