Au cours de la quatrième et dernière des soirées de remise des prix Écrans canadiens, tenues virtuellement pour la deuxième année de suite, l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision a récompensé le film Beans dans son volet consacré aux arts cinématographiques. Et deux fois plutôt qu’une !

En plus du prix Écrans canadiens du meilleur film de l’année, le drame historique de Tracey Deer, lancé au festival de Toronto l’automne dernier, puis présenté à la Berlinale et aux Rendez-vous Québec Cinéma, a aussi récolté le prix John-Dunning, attribué au meilleur premier long métrage. Beans a ainsi été récompensé dans deux des quatre catégories où il était finaliste.

S’inspirant de sa propre histoire, la réalisatrice, qui a grandi dans la communauté mohawk de Kahnawake, relate la tristement célèbre crise d’Oka de 1990 – elle était alors âgée de 12 ans – à travers les yeux d’une jeune fille, surnommée Beans, dont le rêve d’étudier dans un collège privé a été anéanti le jour où s’est profilé ce projet d’agrandissement d’un terrain de golf sur des terres mohawks. Avec de vraies scènes d’archives, Tracey Deer met le tout en contexte et montre comment le brasier s’est alors enflammé.

Il était important pour moi de raconter cette histoire parce qu’être autochtone ne devrait pas être si difficile en ce pays. Mon passage à l’adolescence a été dévastateur et je voulais que les gens en soient témoins. J’espère que ce film encouragera les Canadiens à rendre les choses meilleures afin que le passage des enfants autochtones à l’adolescence ne ressemble plus jamais au mien.

Tracey Deer, réalisatrice de Beans

Beans prendra l’affiche au Québec le 2 juillet.

Six trophées pour Blood Quantum 

Jeff Barnaby, cinéaste ayant grandi dans la réserve de Listuguj, située dans la péninsule gaspésienne, a aussi vraiment de quoi se réjouir, car Blood Quantum (Rouge Quantum) a récolté pas moins de six prix Écrans canadiens, soit plus que tout autre long métrage. En plus du prix de la meilleure interprétation masculine dans un premier rôle, attribué à Michael Greyeyes, Blood Quantum s’est distingué pour la direction artistique, le montage, les costumes, les maquillages et les effets visuels.

PHOTO FOURNIE PAR ENTRACT FILMS

Scène de Blood Quantum (Rouge Quantum), de Jeff Barnaby

Issu de la communauté mi’gmaq, le cinéaste s’était déjà fait remarquer grâce à Rhymes for Young Ghouls. Jeff Barnaby s’est attaqué cette fois au film de zombies en imaginant – bien avant la pandémie – une histoire où les autochtones sont mystérieusement immunisés naturellement contre un virus faisant des ravages dans la population blanche. Il est à noter qu’en cette année où les artisans des Premières Nations ont obtenu un nombre record de sélections, le palmarès reflète bien l’apport de ces derniers à la vitalité du cinéma canadien contemporain.

Akilla’s Escape, de Charles Officer (toujours inédit au Québec), a récolté pas moins de cinq récompenses. Le drame, construit autour d’un adolescent de 15 ans coincé dans un cycle de violence urbaine, a obtenu le trophée dans les catégories du scénario original, de la direction photo (Maya Bankovic), du montage sonore, du mixage sonore et de la distribution.

Funny Boy, inspiré d’un roman de Shyam Selvadurai, a valu à Deepa Mehta les prix Écrans canadiens de la meilleure réalisation et de la meilleure adaptation, et à Howard Shore le prix Écrans canadiens de la meilleure trame musicale.

Le Québec au tableau d’honneur

Fait très rare, aucun long métrage de fiction francophone ne figure au tableau d’honneur des prix Écrans canadiens cette année, malgré les sélections dans les catégories de pointe de Souterrain, de Sophie Dupuis, et de Nadia, Butterfly, de Pascal Plante. En revanche, Errance sans retour, des cinéastes québécois Mélanie Carrier et Olivier Higgins, a reçu le prix Écrans canadiens du meilleur long métrage documentaire. Rappelons que les cinéastes ont posé leur caméra dans le camp de réfugiés de Kutupalong, au Bangladesh, lequel abrite des centaines de milliers de Rohingya en exil.

Il est tellement important d’être à l’écoute des autres. Les êtres humains sont plus importants que les statistiques et nous nous demandons pourquoi il existe encore autant de violence dans notre monde aujourd’hui.

Mélanie Carrier et Olivier Higgins, réalisateurs d'Errance sans retour

Parmi les autres lauréats, mentionnons Michelle Pfeiffer (meilleure interprétation féminine dans un premier rôle grâce à sa performance dans French Exit), Colm Feore (meilleure interprétation masculine dans un second rôle pour Sugar Daddy), Mary Walsh (meilleure interprétation féminine dans un second rôle pour Happy Face) et Marie-Hélène L. Delorme, lauréate dans la catégorie de la meilleure chanson originale grâce à Timid Joyous Atrocious, tirée de Sugar Daddy, film de Wendy Morgan. My Salinger Year, de Philippe Falardeau, figure aussi au nombre des productions primées, grâce aux coiffures de Michelle Côté.