Souvent critiquée pour sa faible représentation de la diversité, l’Académie des arts et des sciences du cinéma propose cette année un tableau d’honneur où l’on sent une nette amélioration sur ce plan. Deux réalisatrices en lice pour l’Oscar de la meilleure réalisation — du jamais-vu — et plusieurs artisans issus des communautés afrodescendantes sont invités à un bal où Mank, cité 10 fois, devrait en principe battre la mesure. Mais rien n’est encore joué.

Des acteurs font l’histoire

Neuf des vingt comédiens retenus dans les quatre catégories d’interprétation ne sont pas blancs. Parmi eux, Viola Davis est citée pour la quatrième fois, soit plus que toute autre comédienne afro-américaine dans l’histoire des Oscars. Chadwick Boseman pourrait quant à lui devenir le premier lauréat de l’Oscar du meilleur acteur à titre posthume depuis Peter Finch, en 1977, pour Network. Steven Yeun et Yuh-Jung Youn (Minari), Daniel Kaluuya et LaKeith Stanfield (Judas and the Black Messiah), Leslie Odom, Jr. (One Night in Miami), Riz Ahmed (Sound of Metal) et Andra Day (The United States vs. Billie Holiday) sont aussi en lice cette année. Les catégories d’interprétation sont d’ailleurs très relevées. Grâce à sa performance dans Nomadland, Frances McDormand pourrait obtenir l’Oscar de la meilleure actrice pour la troisième fois. Quant à Glenn Close, citée pour la huitième fois et jusqu’ici jamais lauréate, elle réussit cette année l’exploit d’être en lice aux Oscars et aux Razzie Awards (qui récompense les pires films de l’année) pour le même rôle, soit celui qu’elle tient dans Hillbilly Elegy, film généralement décrié par la critique.

PHOTO NBC HANDOUT, ARCHIVES REUTERS

Chloé Zhao a récemment obtenu le Golden Globe de la meilleure réalisation. La réalisatrice de Nomadland pourrait recevoir le même honneur aux Oscars.

Deux réalisatrices pour un Oscar

Onze ans après Kathryn Bigelow, toujours à ce jour la seule réalisatrice lauréate de l’Oscar de la meilleure réalisation (The Hurt Locker, en 2010), Chloé Zhao (Nomadland) et Emerald Fennell (Promising Young Woman) sont en lice pour l’une des statuettes dorées les plus convoitées. Les deux femmes se retrouvent sélectionnées dans cette catégorie pour la toute première fois en 93 ans. Les cinéastes deviennent seulement les sixième et septième à recevoir cet honneur, après Lina Wertmüller, Jane Campion, Sofia Coppola, Kathryn Bigelow et Greta Gerwig. Chloé Zhao est aussi la première femme à être nommée quatre fois la même année. À titre de productrice de Nomadland, elle peut en effet mettre la main sur l’Oscar du meilleur film, mais elle est aussi citée, à titre individuel, dans les catégories de la meilleure réalisation, du meilleur scénario adapté et du meilleur montage.

La domination de Netflix s’accentue

Avec 35 citations, le diffuseur en ligne Netflix devient très nettement le leader de l’industrie du cinéma. Dix sélections pour Mank, sept pour The Trial of the Chicago 7, cinq pour Ma Rainey’s Black Bottom, en plus de plusieurs citations simples, notamment pour Pieces of a Woman, The White Tiger, Da 5 Bloods et The Midnight Sky, sans oublier Over the Moon et A Shaun the Sheep Movie : Farmageddon dans la catégorie des films d’animation, Crip Camp et My Octopus Teacher dans celle du documentaire. Au deuxième rang, avec 12 citations, vient Amazon Studios. Sound of Metal, One Night in Miami et Borat Subsequent Moviefilm valent à cet autre diffuseur en ligne cette position enviable. Les grands studios, qui n’ont pu sortir beaucoup de productions sur grand écran en cette année pandémique, se font beaucoup plus discrets. Les productions de Warner Brothers récoltent huit sélections (six pour Judas and the Black Messiah et deux pour Tenet), celles de Disney, cinq (trois pour Soul, deux pour Mulan).

PHOTO FOURNIE PAR MÉTROPOLE FILMS

Another Round (Alcootest) est le grand favori dans la catégorie du meilleur film international.

Des surprises à l’international

Tous les observateurs s’attendaient à ce qu’Another Round (exploité sous le titre Alcootest au Québec) soit finaliste dans la catégorie du meilleur film international, mais peu auraient pu prédire une sélection du cinéaste danois Thomas Vinterberg dans la catégorie de la meilleure réalisation. Du coup, l’Oscar du meilleur film international lui est quasi assuré. D’autant que les quatre autres finalistes, Better Days (Hong Kong), Collective (Roumanie), Quo Vadis, Aida ? (Bosnie-Herzégovine) et L’homme qui a vendu sa peau (Tunisie) sont encore relativement peu connus sur le circuit international. Dans le cas de ce dernier film, il est à signaler que la Tunisie se retrouve finaliste pour la toute première fois et devient seulement le cinquième pays africain à recevoir l’honneur. Lancé à la Mostra de Venise l’an dernier, le long métrage de la réalisatrice Kaouther Ben Hania a valu à Yahya Mahayni le prix du meilleur acteur dans la section Horizons. Signalons que Deux, film français de Filippo Meneghetti, et La nuit des rois, coproduction entre la Côte d’Ivoire, la France, le Québec et le Sénégal réalisée par Philippe Lacôte, ont été écartés de la course.

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Gary Oldman, en lice pour l’Oscar du meilleur acteur, est la tête d’affiche de Mank, de David Fincher.

Mank est-il vraiment favori ?

Sur papier, le film de David Fincher devrait être désigné favori de la course avec ses dix sélections, soit quatre de plus que ses plus sérieux rivaux, tous cités six fois : The Father (Florian Zeller), Judas and the Black Messiah (Shaka King), Minari (Lee Isaac Chung), Nomadland (Chloé Zhao), Sound of Metal (Darius Marder) et The Trial of the Chicago 7 (Aaron Sorkin). Mais l’est-il vraiment ? Mank fait partie de ces films admirés de tous, qui laissent néanmoins le spectateur trop à distance. Ajoutez à cela le fait que le scénario, écrit par Jack Fincher, le père du cinéaste, n’a pas été retenu, ce qui est quand même un peu étrange pour un film dont l’écriture constitue le cœur du sujet. Tourné en noir et blanc, Mank explore le milieu hollywoodien des années 30 et 40 à travers le parcours de Herman J. Mankiewicz, qui a écrit le scénario de Citizen Kane à la demande d’Orson Welles. En neuf décennies d’existence, seulement sept longs métrages ont obtenu l’Oscar du meilleur film sans avoir été au moins cités dans l’une ou l’autre des catégories consacrées aux scénarios. Le dernier à avoir réussi cet exploit est Titanic en 1998, soit 32 ans après The Sound of Music, aussi lauréat dans les mêmes circonstances.

PHOTO FOURNIE PAR TVA FILMS

Paul Raci a obtenu une citation inattendue grâce à a performance dans Sound of Metal.

Des surprises et des oublis

Il n’y a pas lieu de crier au scandale cette année, mais l’annonce des finalistes a quand même réservé quelques surprises. On se réjouit d’abord de la sélection inattendue de Paul Raci dans la catégorie du meilleur acteur de soutien. L’acteur livre en effet une vibrante performance dans la peau d’un vétéran de la guerre atteint de surdité, qui met à profit son expérience au service des autres dans Sound of Metal. Comme mentionné plus haut, la présence du Danois Thomas Vinterberg (Another Round) dans la catégorie de la meilleure réalisation n’était pas prévue non plus, alors que les observateurs voyaient plutôt Aaron Sorkin (The Trial of the Chicago 7) ou Regina King (One Night in Miami). Des films indépendants très appréciés, Never Rarely Sometimes Always et First Cow, pour ne citer que ceux-là, ont été complètement ignorés. Jodie Foster, lauréate d’un Golden Globe, n’est pas en lice, pas plus que The Mauritanian, le film qui lui avait valu cet honneur. Certains espéraient aussi une deuxième sélection pour Chadwick Boseman dans la catégorie du meilleur acteur de soutien, mais Da 5 Bloods, le film de Spike Lee qui aurait pu lui valoir cette citation, n’a finalement été retenu que dans une seule catégorie, soit celle de la meilleure trame musicale (signée Terence Blanchard).

La 93e Soirée des Oscars aura lieu le 25 avril au Dolby Theatre et à l’Union Station de Los Angeles.

LES PRINCIPAUX FINALISTES

Meilleur film

The Father

Judas and the Black Messiah

Mank

Minari

Nomadland

Promising Young Woman

Sound of Metal

The Trial of the Chicago 7

Meilleure réalisation

Lee Isaac Chung, Minari

Emerald Fennell, Promising Young Woman

David Fincher, Mank

Thomas Vinterberg, Another Round (Alcootest)

Chloé Zhao, Nomadland

Meilleure actrice

Viola Davis, Ma Rainey’s Black Bottom

Andra Day, The United States vs. Billie Holiday

Vanessa Kirby, Pieces of a Woman

Frances McDormand, Nomadland

Carey Mulligan, Promising Young Woman

Meilleur acteur

Riz Ahmed, Sound of Metal

Chadwick Boseman, Ma Rainey’s Black Bottom

Anthony Hopkins, The Father

Gary Oldman, Mank

Steven Yeun, Minari

Meilleure actrice de soutien

Maria Bakalova, Borat Subsequent Moviefilm

Glenn Close, Hillbilly Elegy

Olivia Colman, The Father

Amanda Seyfried, Mank

Yuh-Jung Youn, Minari

Meilleur acteur de soutien

Sacha Baron Cohen, The Trial of the Chicago 7

Daniel Kaluuya, Judas and the Black Messiah

Leslie Odom, Jr., One Night in Miami

Paul Raci, Sound of Metal

Lakeith Stanfield, Judas and the Black Messiah

Meilleur film international

Another Round (Alcootest), Thomas Vinterberg (Danemark)

Better Days, Derek Kwok-cheung Tsang (Hong Kong)

Collective, Alexander Nanau (Roumanie)

Quo Vadis, Aida ?, Jasmila Žbanić (Bosnie-Herzégovine)

L’homme qui a vendu sa peau (The Man Who Sold his Skin), Kaouther Ben Hania (Tunisie)

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