Depuis que le tournage de Moonfall a démarré, le 26 octobre, le téléphone de Denis Paquette ne dérougit plus. « Je reçois énormément d’appels des majors américains qui s’informent de nos disponibilités et de nos services », explique le directeur général chez Grandé Studios et son partenaire Cinépool. « Les producteurs vont à la pêche et magasinent les lieux où aller tourner l’an prochain. Ils observent avec attention ce qui se passe ici. Mais il n’y a rien encore de signé », ajoute-t-il prudemment.

Alors que les tournages de productions locales (films et séries) vont bon train depuis la reprise en juin dernier, les tournages de films étrangers repartent plus doucement. Cet automne, deux grosses productions sont tournées à Montréal. On vient juste de terminer le tournage de Home Alone (le remake du classique de Noël qui célèbre ses 30 ans cette semaine !) ; et celui de Moonfall, avec Halle Berry et Donald Sutherland, est en cours.

Moonfall est l’un des plus gros projets cinéma de Grandé Studios, alors que l’entreprise vient juste d’annoncer, mercredi, un nouveau partenariat avec Bell Média. En effet, le nouveau film de science-fiction du réalisateur Roland Emmerich est doté d’un budget non négligeable de 150 millions de dollars et fait travailler 500 personnes dans la région de Montréal. Le tournage se poursuit jusqu’à la fin de janvier.

Sans aller jusqu’à dire que la pandémie profitera à l’industrie locale, Denis Paquette estime que la réaction du milieu face à la crise (« c’est un succès ») peut jouer en « notre faveur ». « Toutefois, la mission économique du premier ministre Legault en Californie, en décembre dernier, a sans doute aussi contribué à l’intérêt des producteurs de Los Angeles… »

Surfer sur l’optimisme

Au Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ), on espère que le retard dans les tournages — pris en raison du premier confinement — pourra être vite rattrapé en 2021. « C’est sûr qu’avec l’interruption provoquée par la COVID-19 au printemps, on ne peut pas s’attendre à des retombées aussi élevées que les années précédentes », estime Chanelle Routhier, commissaire (division Québec) au BCTQ.

Malgré tout, Mme Routhier demeure optimiste. Elle croit que le Québec est un modèle pour l’industrie des tournages en temps de COVID-19. « Le milieu québécois de l’audiovisuel a fort bien géré la reprise des activités sur les plateaux, en suivant de très près les nouvelles normes sécuritaires et les protocoles sanitaires. Ça fait cinq mois qu’on tourne et, en date du 1er novembre, il n’y a eu aucun cas de transmission sur nos plateaux ! », dit-elle en croisant les doigts.

Plus rassurant qu’en Californie

Même son de cloche du côté de Michel Trudel, fondateur des Studios MELS [M. Trudel est aujourd’hui conseiller stratégique chez MELS, depuis que Martin Carrier est devenu le président en avril dernier].

PHOTO RÉMI LEMÉE, ARCHIVES LA PRESSE

Michel Trudel, fondateur des Studios MELS

L’année 2021 s’annonce bonne malgré les obstacles. Je crois que tout le monde est rassuré de constater que chaque équipe a respecté les normes sanitaires à la lettre. Les Américains voient que c’est possible de reprendre les grosses productions de façon sécuritaire au Québec, même lorsqu’on travaille en zone rouge. Tandis qu’ailleurs, à Los Angeles par exemple, c’est plus compliqué…

Michel Trudel

Michel Trudel raconte que la production de Home Alone avait engagé une clinique privée pour faire des tests de dépistage aux membres de l’équipe, et ce, trois fois par semaine. En fin de compte, la production a plié bagage, il y a quelques jours, sans aucun cas de COVID-19.

Sans tenir de boule de cristal, Chanelle Routhier estime que dans la situation actuelle, le Canada (et surtout le Québec) tire bien son épingle du jeu, en comparaison avec les États-Unis ou des pays européens. « Dans l’ensemble, nos élus gèrent efficacement la crise sanitaire. Et ça se reflète sur nos plateaux », dit-elle.

Il reste à savoir si, comme dans tout bon film hollywoodien, il y aura un happy end !

Les tournages en chiffres

Selon un bilan annuel du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec, les retombées économiques des tournages étrangers en 2019 sont de l’ordre de 360 millions de dollars. Cette industrie a créé (ou maintenu) 5580 emplois en 2019, sur 701 jours de tournage, pour un total de 31 productions différentes. En 2018, le volume de production se chiffrait à 378 millions ; en 2017, à 383 millions et en 2016, à 298 millions.

Source : Bureau du cinéma et de la télévision du Québec