Deux films primés à la Mostra de Venise samedi font aussi partie de la sélection torontoise. Le sacre de Nomadland, lauréat du Lion d’or dans la Cité des doges, n’a surpris personne tant ce film de Chloé Zhao relève de l’évidence. Il en est de même du prix d’interprétation féminine décerné à Vanessa Kirby, remarquable dans Pieces of a Woman, premier film anglophone — tourné à Montréal — du cinéaste hongrois Kornél Mundruczó (White God).

Malgré la mise sur pied au TIFF d’un volet compétitif il y a quelques années (sur lequel on fait l’impasse en 2020), l’annonce du palmarès de la Mostra a toujours un impact significatif sur certains titres aussi présentés à Toronto.

Remarquez que Nomadland constituait au départ l’un des films les plus en vue du programme. Le sacre vénitien est venu confirmer une rumeur déjà très favorable, d’autant que Chloé Zhao jouit d’une réputation enviable dans le cercle des cinéphiles grâce à ses films précédents : Songs My Brothers Taught Me, qui l’a révélée, et surtout The Rider, encensé par la critique. La cinéaste américaine d’origine chinoise a aussi beaucoup fait parler d’elle récemment dans les médias spécialisés, puisqu’elle est chargée de la réalisation de The Eternals pour Marvel, un film de superhéros qui ne pourrait être plus éloigné de ce qu’elle nous a offert jusqu’à maintenant.

Nomadland, qui donne l’occasion à Frances McDormand d’offrir une autre performance d’actrice grandiose (un troisième Oscar en vue ?), est une adaptation d’un bouquin de Jessica Bruder. Le récit relate le parcours d’une sexagénaire qui choisit de se débrouiller à l’extérieur d’un système qui semble ne plus pouvoir rien pour elle de toute façon. Fern (c’est son prénom) se plaît d’ailleurs à dire qu’elle n’est pas sans-abri, mais plutôt sans-maison, laissant entendre par là qu’elle se plaît bien dans cette vie de nomade. Elle roule pour parfois se poser avec son véhicule déglingué dans un endroit, créer des liens avec ceux qui s’y trouvent, gagner des sous en acceptant n’importe quel boulot.

L’Amérique du XXIe siècle

Là réside la richesse de la vision de Chloé Zhao, qui signe aussi le scénario de son film. Nomadland est la célébration d’un certain mode de vie, né de la nécessité de survie dans le monde hyper performant et hyper compétitif de l’Amérique du XXIe siècle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la plupart des gens que Fern rencontre — joués par des non-professionnels (David Strathairn mis à part) — sont en voie d’atteindre l’âge de la retraite ou l’ont dépassé depuis longtemps.

Cela dit, la cinéaste se garde bien de proposer une vision idyllique, même si cette traversée du continent, du Dakota du Sud jusqu’à la Californie, évoque quand même une conception mythique de l’Amérique.

La trame musicale, signée Ludovico Einaudi, contribue au climat nostalgique dans lequel baigne tout le film. Surtout, Chloé Zhao imprègne chaque image d’un humanisme profond sans rien souligner, confirmant ainsi son statut de cinéaste exceptionnelle.

Distribué par Searchlight Pictures, Nomadland prendra l’affiche au Québec le 4 décembre. Nous y reviendrons.

Une grande performance de Vanessa Kirby

Révélé en 2014 grâce à White God, un film puissant qui lui avait valu le prix du meilleur film de la section Un certain regard au Festival de Cannes, le cinéaste hongrois Kornél Mundruczó se tourne cette fois vers un sujet beaucoup plus intime. Il porte à l’écran un scénario écrit par sa complice et compagne, Kata Wéber, inspiré d’un deuil qu’ils ont dû faire eux-mêmes.

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE TORONTO

Vanessa Kirby et Shia LaBeouf dans Pieces of a Woman, film de Kornél Mundruczó

Pieces of a Woman vient tout juste de valoir à Vanessa Kirby (l’interprète de la princesse Margaret dans les deux premières saisons de The Crown) le prix d’interprétation féminine à la Mostra de Venise. On comprend vite pourquoi. Martha, le personnage qu’elle joue dans ce film, est une jeune femme qui s’apprête à donner naissance à un premier enfant. Le prologue, qui dure non loin de 30 minutes, nous montre toutes les étapes — et la souffrance — qu’elle traverse au moment de l’accouchement chez elle, avec l’aide d’une sage-femme (Molly Parker) et d’un conjoint bienveillant (Shia LaBeouf, excellent).

Une fois la situation familiale installée (on devine le mépris intérieur qu’éprouve la mère de Martha — formidable Ellen Burstyn — pour son gendre ouvrier de la construction), on entre dans le vif du sujet grâce à un plan-séquence vertigineux. Quand la sage-femme avec qui le couple s’était préparé ne peut se présenter et qu’une remplaçante arrive, la tension monte d’un cran, même si tout semble se dérouler normalement jusque-là. Ou presque. Quand le titre du film apparaît, au bout de cet épisode exténuant pendant lequel une caméra fébrile s’est déplacée nerveusement d’un personnage à l’autre, un drame a eu lieu. Rien ne peut l’expliquer, mais on cherchera néanmoins une raison.

Le plus grand intérêt de ce film, où l’on sent parfois les influences d’Ingmar Bergman et de John Cassavetes, tient à cette façon d’explorer l’impact qu’a sur un couple, tout autant que sur le reste de la famille, un drame de cette nature. L’aspect judiciaire du récit (il y aura procès) est cependant plus convenu. L’ensemble du film bénéficie toutefois de l’apport d’une distribution de haut vol, menée par Vanessa Kirby.

Soulignons que cette coproduction américano-canadienne a entièrement été tournée à Montréal. Netflix en a acquis les droits d’exploitation pour le monde entier et la diffusera en exclusivité sur sa plateforme. Aucune date de sortie n’est encore fixée.

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