Avec son film Physique de la tristesse, le cinéaste montréalais Theodore Ushev a remporté ce samedi le prix Cristal, plus haute distinction remise à un court métrage inscrit à la compétition officielle du Festival international du film d’animation d’Annecy.

Comme M. Ushev en a été averti il y a déjà quelques jours (voir ci-bas), ses collègues de l’Office National du Film (ONF) ont pu lui préparer une petite fête surprise à laquelle La Presse a été conviée.

Pour un court-métragiste d’animation, remporter le Cristal d’Annecy équivaut à la Coupe Stanley, au Superbowl, au prix Nobel…

« Il y a des sommets dans toutes les catégories et dans notre métier, ce prix Cristal est notre Everest », a expliqué M. Ushev lundi soir au téléphone, quelques heures après avoir été surpris par cette annonce.

Lancé l’automne dernier au Toronto International Film Festival (TIFF), son film de 26 minutes s’intéresse au parcours d’un personnage qui, après avoir été déraciné de son enfance en Bulgarie, vit à Montréal où, devenu adulte, son quotidien est teinté d’un fort sentiment de mélancolie. Des souvenirs de guerre se mêlent aussi aux aléas de son existence.

CRÉDIT : ONF

Une scène du film Physique de la tristesse.

« C’est certainement mon film le plus personnel, dit M. Ushev dont le film précédent, Vaysha l’aveugle, a été finaliste aux Oscars 2017 dans la catégorie de la meilleure œuvre d’animation. Je suis donc heureux de gagner le Cristal avec celui-ci. Il y a 100 % de ma vie et de la vie de mon père dans cette histoire. Toutes mes émotions y sont passées. Alors, je gagne avec le bon film. »

C’est Xavier Dolan qui assure la narration hors champ du personnage central de Physique de la tristesse.

Therodore Ushev est un habitué d’Annecy où il se rend pratiquement tous les ans. À ce jour, il a gagné au moins une fois tous les prix disponibles. Il ne lui manquait que le Cristal. Cette année il a aussi remporté le prix FIPRESCI de la critique internationale qui a été annoncé vendredi.

Bulles et ballons

Évidemment, tout s’est passé en ligne en raison de la pandémie actuelle. M. Ushev est resté à Montréal et la remise des prix s’est faite sur le web. Mais comme le jury avait terminé ses délibérations depuis quelques jours, un gentil complot s’est organisé pour surprendre le récipiendaire. Une explication s’impose.

CRÉDIT : ONF

Une scène du film Physique de la tristesse.

Directeur général de la Cinémathèque québécoise, Marcel Jean est aussi directeur artistique du Festival d’Annecy. Il est aussi le conjoint de Julie Roy qui est directrice générale, création et innovation, à l’ONF où sont produits les films de M. Ushev.

Lundi, Marcel Jean convie M. Ushev à la Cinémathèque québécoise afin qu’il enregistre un message de remerciements pour l’attribution du Prix FIPRESCI. Et lorsque le cinéaste s’apprêtait à terminer son message, M. Jean lui a annoncé que, au fait, il remportait aussi le grand prix Cristal !

« J’étais sous le choc, raconte le cinéaste. Je ne le croyais pas. Je me suis mis à pleurer. »

Il a enregistré un second message de remerciements alors qu’à l’extérieur de l’établissement, ses collègues l’attendaient avec des bulles et des ballons. « C’était vraiment chouette dit le cinéaste. Et tout s’est fait en respectant les règles de distanciation sociale. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Marc Bertand, producteur du film Physique de la tristesse, et Julie Roy, directrice générale, création et innovation à l’ONF, ont salué les deux prix remportés par Théodore Ushev.

Évidemment, tous les informés étaient tenus au secret jusqu’à aujourd’hui. Theodore Ushev a quand même fait une exception en l’annonçant à sa fille. « Elle a participé au film en y ajoutant un dessin de dinosaure », glisse-t-il avec fierté.

Les films de Theodore Ushev à Annecy

Les journaux de Lipsett (2010) - Mention spéciale (ex æquo)

Gloria Victoria (2013) - Prix FIPRESCI

Vaysha l’aveugle (2016) - Prix du jury junior pour un court métrage et prix du Jury

Physique de la tristesse (2020) - Prix FIPRESCI et prix Christal