(Los Angeles) Faute de pouvoir présenter leurs œuvres lors des festivals reportés ou annulés pour cause de la COVID-19, des réalisateurs d’Hollywood cherchent des alternatives ingénieuses pour faire malgré tout parler d’eux, allant parfois jusqu’à organiser les fameux « tapis rouges » dans leur salon.

Des festivals très courus, comme South by Southwest (SXSW) au Texas ou Tribeca à New York ont jeté l’éponge en raison de la pandémie, chamboulant le marketing de quelques grosses productions et laissant sur le carreau des centaines de cinéastes indépendants qui misaient sur ces projections pour vendre leurs films.

Les auteurs de The Carnivores, un étrange mélange de thriller et de romance qui devait lancer sa promotion à SXSW, ont pris les choses en mains : la « première mondiale » aura bien lieu, au domicile du réalisateur à Austin.

« Nous avons un service traiteur, un tapis rouge, un photographe. On a même la presse locale », énumère Caleb Michael Johnson.

Le tapis rouge reliera le porche d’entrée à un kiosque de tacos dressé dans le jardin, traversant toute la maison. L’idée est venue dans un bar, le soir même où les organisateurs ont dû se résoudre à annuler le festival d’Austin.

« On n’était même pas vraiment ivres ! Notre première mondiale était prévue le samedi 14 mars et bon sang, on voulait que la projection ait lieu ce jour-là », explique à l’AFP le cinéaste Adam Minnick.  

La vedette américaine David Arquette a choisi la même stratégie marketing pour un documentaire sur son passage controversé dans le monde du catch professionnel. En l’espace de 24 heures, l’acteur a réorganisé la présentation à son domicile près d’Hollywood : réalisateur rapatrié depuis la côte est, ravitaillement en boissons diverses dans un supermarché de gros, et projection dans le séjour pour des invités installés sur les sofas ou assis par terre, raconte le Los Angeles Times.

Internet à la rescousse

Selon Caleb Michael Johnson, les invités redoutent moins d’être infectés par le coronavirus dans ce genre d’événement en petit comité. Mais devant la psychose suscitée par la COVID-19, certains se sont tournés vers la technologie pour se passer totalement de contact humain.

C’est le cas de David Magdael, publiciste qui avait programmé quatre premières mondiales au festival SXSW. Il avait envisagé comme solution de repli d’organiser des projections directement dans les bureaux des grandes agences d’Hollywood mais a dû y renoncer lorsque la plupart d’entre elles ont fermé leurs portes et demandé à leurs employés de faire du télétravail.

Heureusement pour lui, la presse spécialisée comme IndieWire entend publier ses critiques comme prévu et il peut donc leur fournir les films à visionner via internet, tout comme aux jurés de SXSW qui a malgré tout maintenu sa compétition.

« Du côté des relations publiques, on peut continuer à faire comme si le festival du film avait bien lieu », assure M. Magdael à l’AFP.

Spencer Folmar va lui aussi devoir miser sur l’internet pour diffuser son nouveau film, Shooting Heroin, consacré à la crise des opiacés qui ravagent les États-Unis ces dernières années.

« On doit s’y résoudre pour faire passer le message » mais « c’est vraiment dommage, ça représente deux ans de travail, et tout le monde aime voir un film dans un cinéma », déplore-t-il.

Les dégâts provoqués par l’annulation des grands rendez-vous du divertissement sont parfois difficiles à compenser.

Pour son documentaire musical Tomboy, consacré à quatre batteuses célèbres, Lindsay Lindenbaum comptait sur SXSW pour boucler les financements qui lui auraient permis d’acquérir de coûteux droits musicaux.

Elle aurait notamment besoin du tube de Marvin Gaye, What’s Going On, sur lequel l’une des vedettes de son film, Bobbye Hall, joue de la batterie et qui est au cœur de son film. Pour y parvenir, la cinéaste va tenter de passer par un financement participatif sur l’internet.

Ashley Eakin misait sur le festival pour faire connaître sa comédie Single sur un rendez-vous galant réunissant deux personnes handicapées et craint d’avoir tout perdu aujourd’hui. « C’est dur parce que je n’ai jamais réussi à entrer dans un grand festival, et SXSW peut être la chance de votre vie », se désole-t-elle.