(Paris) Nouveau rebond dans la polémique sur Roman Polanski : son film J’accuse a reçu mercredi une pluie de nominations pour les Césars malgré une sortie perturbée par une nouvelle accusation de viol contre le réalisateur franco-polonais.

Thriller historique sur l’affaire Dreyfus (un des grands scandales politiques de l’Histoire de France moderne), couronné par le Grand prix du jury à la Mostra de Venise, J’accuse est en lice pour 12 prix dans le cadre des récompenses suprêmes du cinéma français, notamment dans les catégories reines de la meilleure réalisation et du meilleur film.

Cette annonce a aussitôt relancé la polémique sur le cinéaste de 86 ans, qu’une partie de l’opinion publique et les féministes n’acceptent plus de voir honoré.

La secrétaire d’État à l’Égalité femmes-hommes Marlène Schiappa s’est interrogée sur « le message qui est envoyé ». « Manifestement, le cinéma n’a pas terminé sa révolution en ce qui concerne les violences sexistes et sexuelles », a-t-elle jugé.

L’Académie des Césars « est libre de ses choix et de son mode de fonctionnement », a de son côté souligné le ministre de la Culture Franck Riester, réaffirmant qu’il continuerait de défendre « la liberté de création avec la même détermination que je combats, au quotidien, toutes les formes de violences sexistes et sexuelles ».

Cet organisme « n’est pas une instance qui doit avoir des positions morales », a estimé son président Alain Terzian. « Sauf erreur de ma part, 1,5 million de Français sont allés voir son film. Interrogez-les », a-t-il ajouté.

Une déferlante de réactions indignées a aussi envahi les réseaux sociaux, et le sujet Polanski figurait dans les principales tendances sur Twitter.

« 12 nominations pour le film J’accuse de Polanski ! 12 comme le nombre de femmes qui l’accusent de viols ! Honte @Les Césars », a tweeté l’association Osez le féminisme, avant d’appeler à manifester devant la salle Pleyel à Paris, où se déroulera le 28 février la 45e cérémonie des Césars.

« Il est grand temps pour les professionnels du cinéma de se distancier nettement des Césars. J’ose espérer qu’une grande majorité d’entre eux ainsi que Franck Riester refuseront d’assister à la cérémonie », a réagi Alice Coffin, du groupe féministe La Barbe.

Toujours poursuivi par la justice américaine dans le cadre d’une procédure pour détournement de mineure déclenchée en 1977, Roman Polanski est visé par une nouvelle accusation de viol, portée par la Française Valentine Monnier, qu’il conteste.

Cette photographe affirme avoir été frappée et violée par le cinéaste en 1975 en Suisse quand elle avait 18 ans. Son témoignage s’ajoute aux accusations de plusieurs femmes ces dernières années, pour des faits prescrits.

Appels au boycottage

En 2017, les Césars avaient déjà été au cœur d’une controverse concernant le réalisateur, qui avait dû renoncer à présider la cérémonie sous la pression des féministes.

Son film J’accuse a, quant à lui, suscité de multiples remous depuis l’annonce de sa sélection pour la Mostra de Venise en septembre.

Le film raconte ce qui est arrivé au capitaine Dreyfus, un Français de confession juive accusé à tort de trahison à la fin du XIXe siècle sur fond d’antisémitisme, un scandale majeur en France.

Roman Polanski a dit à plusieurs reprises qu’il voyait dans cette affaire un écho à sa propre histoire, exaspérant encore davantage ses détracteurs.

Le film a connu une sortie mouvementée en France en novembre, des féministes ayant bloqué des séances et appelé à le boycotter, même s’il a attiré le public avec 1,52 million de spectateurs.

Paradoxe, Roman Polanski est nommé aux Césars en même temps qu’Adèle Haenel, une actrice qui avait secoué le monde du cinéma en novembre en accusant le réalisateur Christophe Ruggia d’« attouchements » et de « harcèlement » quand elle était adolescente.

Elle est en lice dans la catégorie meilleure actrice pour Portrait de la jeune fille en feu aux côtés notamment d’Eva Green dans Proxima et de Karin Viard dans Chanson douce.

Pour les hommes, Jean Dujardin est nommé pour son rôle dans J’accuse, face à Daniel Auteuil dans La belle époque ou à Vincent Cassel dans Hors normes.

Parmi les favoris aux Césars, le film de Polanski est suivi par Les Misérables de Ladj Ly, un film coup de poing sur les banlieues, et La belle époque de Nicolas Bedos, avec onze nominations chacun, puis Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, une histoire d’amour interdite entre deux femmes aux destins opposés au XVIIIe siècle, avec dix nominations.