Les millions de dollars investis par plus de 650 Québécois dans le projet Lovaganza devaient servir à produire des films à grand déploiement, destinés à financer un supposé projet humanitaire, tout en leur procurant de juteux rendements.

Mais 75 d'entre eux sont plutôt convaincus d'avoir été arnaqués et viennent de porter plainte à la police pour fraude contre les promoteurs du projet et leurs collecteurs de fonds.

Ils ne s'attendent pas à voir les films promis dans un cinéma près de chez eux ni à revoir la couleur de leur argent, qui aurait servi à payer les dépenses fastueuses des instigateurs de Lovaganza à Hollywood et ailleurs dans le monde.

On leur avait promis des rendements de deux à dix fois leur mise, ce qui a incité des investisseurs à engloutir des centaines de milliers de dollars dans l'aventure au cours des sept dernières années.

« Certains ont été mis à la rue et n'ont plus rien. Le plus dégueulasse, c'est qu'ils continuent de faire des victimes, il faut arrêter ça », affirme Jean-François Simard, qui préside le Regroupement des victimes de Lovaganza et One-Land.

M. Simard dit avoir lui-même perdu sa maison, qu'il avait réhypothéquée pour investir dans le projet, en plus de travailler pendant trois ans pour le groupe sans salaire.

Les dénonciations des 75 plaignants ont été transmises hier soir par leurs représentants au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Sur le site web mis en place par le regroupement, plusieurs investisseurs évoquent du harcèlement de la part des collecteurs de fonds, de multiples appels et rencontres, avec des pressions pour les inciter à leur fournir des sommes toujours plus élevées.

Parmi les personnes visées par les plaintes, on retrouve Marc-Éric Fortin, Karine Lamarre, Louise Larente, Mathieu Carignan, Céline Monchamp et Maurice Lalonde.

Déjà poursuivis par l'AMF

L'Autorité des marchés financiers (AMF) poursuit ces mêmes personnes depuis l'année dernière pour des infractions de nature pénale parce qu'elles auraient sollicité des investissements sans détenir de permis et parce qu'elles ont continué leur sollicitation malgré une ordonnance d'interdiction. Le procès dans cette affaire est en cours.

Dans le cadre de ces procédures, l'AMF a réussi à retracer des sommes de 8,5 millions qui auraient été versées par 650 investisseurs. Mais les sommes en jeu pourraient être plus importantes.

Les instigateurs du projet, Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier, qui se disent réalisateurs, ne sont pas visés par la poursuite de l'AMF. Le couple québécois vit à l'étranger depuis plusieurs années, entre Los Angeles, aux États-Unis, et la Côte d'Azur, en France. Selon des informations obtenues par La Presse, l'AMF tenterait actuellement de les localiser.

Pour soutirer des fonds aux investisseurs, le couple Gagnon-Cloutier et ses acolytes évoquent depuis plusieurs années la signature imminente d'une entente avec une grosse maison de production. Mais cette promesse ne se concrétise jamais.

Les promoteurs du projet disaient aussi avoir l'appui de Steven Spielberg et d'autres grands noms du cinéma. Ils ont dû se rétracter à la suite d'une mise en demeure du bureau du cinéaste, en 2015. La fondation ONE, créée par le chanteur Bono, et d'autres célébrités ont aussi nié être liées au projet.

Anges et archanges

Le groupe poursuivrait maintenant sa sollicitation sous le nom de 4stars Group, selon des documents envoyés à un investisseur potentiel, qui les a fait suivre à La Presse.

Un numéro fourni pour joindre les bureaux de 4stars Group est celui d'un avocat de Los Angeles, George Soussan. Me Soussan dit avoir créé l'entreprise à la demande de sa cliente, mais ne pas être au courant de ses activités. Pas possible non plus de connaître le nom de sa cliente.

« Si mon numéro a été donné pour joindre l'entreprise, c'est sûrement une erreur », a-t-il affirmé.

L'autre numéro de téléphone donné pour 4stars Group est celui du centre Coeur Essence, dans les Cantons-de-l'Est, qui offre notamment des « consultations médiumniques », permettant de recevoir des « messages des Guides, des Anges, des Archanges ou des personnes qui vous sont chères, et ce, qu'elles soient vivantes ou décédées ». Le centre n'a pas répondu à nos messages téléphoniques.

Nous avons tenté de joindre d'autres leaders du projet, sans succès.

Avec les années, plusieurs autres noms d'entreprises ont été utilisés pour recueillir des fonds et mener des activités de production en lien avec Lovaganza : JF & G Company, Momentum Entertainment, One-Land, Fer Rouge Creative Company, Helian Way Films, Road One Entertainment, Sunshine Way Management, etc.

Remboursement partiel et poursuite

L'une des entreprises de Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier, Helian Way Films, est visée par deux poursuites civiles dans le district judiciaire de Los Angeles.

L'un des plaignants, Stephen Thies, soutient qu'il n'a pas été payé lorsqu'il a travaillé en 2014 comme assistant de production sur un court film, destiné à servir de bande-annonce pour Lovaganza. « Ils me doivent 10 000 $, à la suite d'une décision du tribunal du travail, pour du salaire impayé et des pénalités imposées par la loi », a-t-il expliqué, dans le cadre d'un échange de messages textes.

Une centaine d'investisseurs ayant versé des fonds pour le projet ont participé, il y a quelques semaines, à une rencontre sur la Rive-Sud de Montréal avec les promoteurs de Lovaganza.

On leur aurait offert de leur rembourser les trois quarts de leur investissement, grâce à la participation d'un riche mécène prêt à injecter 15 millions dans le projet. Mais avant d'obtenir ce remboursement partiel, les leaders devaient encore recueillir 700 000 $, auraient-ils dit aux participants, qui ont manifesté leur déception de ne pas toucher les rendements promis.

Comédie musicale

En septembre dernier, Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier ont diffusé des vidéos et des enregistrements de chansons, qui feraient partie de la trame sonore d'une comédie musicale intitulée The Marvelous 12. Le couple Gagnon-Cloutier chante lui-même sur la trame sonore.

Sur YouTube, on indique que les enregistrements ont été faits aux studios Abbey Road de Londres, rendus célèbres par les Beatles. Les chansons sont aussi offertes sur iTunes.

photo tirée de Facebook

Geneviève Cloutier et Jean-François Gagnon