Avant même de prendre l'affiche, Fifty Shades of Grey (Cinquante nuances de Grey en version française), l'adaptation cinématographique du roman à succès d'E.L. James, a fait jaser pendant des mois. Événement? Pétard mouillé? Toujours est-il qu'il s'agit de l'un des films les plus attendus de l'année. Explication en dix points d'un phénomène, éclairé par quelques exemples d'érotisme au cinéma qui ont marqué l'imaginaire collectif.

1. Il y a un petit peu de Twilight dans Fifty Shades of Grey, car à l'origine, il s'agissait d'une «fan fiction» publiée sur le web par son auteure, la Britannique E.L. James, inspirée par les personnages de la trilogie fantastique beaucoup plus prude de Stephenie Meyer. L'histoire? Une jeune femme vierge et timide, Anastasia Steele, tombe amoureuse du riche homme d'affaires Christian Grey, qui l'initie au sadomasochisme... À la demande des lectrices, le premier tome, 50 nuances de Grey, sera publié en livre en avril 2012 par la maison Vintage Books, impressionnée par le succès de la version numérique.

2. Malgré une critique plutôt ahurie par la pauvreté littéraire du roman - Salman Rushdie dira qu'il est tellement mal écrit qu'il fait passer Twilight pour Guerre et paix, en comparaison -, Fifty Shades of Grey devient un énorme best-seller, ainsi qu'une trilogie puisque deux autres tomes suivent: Cinquante nuances plus sombres et Cinquante nuances plus claires. En 2012, en Angleterre, sur Amazon, le roman s'est vendu à plus d'exemplaires que la série complète de Harry Potter; aux États-Unis, il est au sommet des ventes pendant plus de 35 semaines, selon le New York Times. Plus de 100 millions d'exemplaires ont été vendus dans le monde à ce jour.

3. Le phénomène Fifty Shades of Grey suscite une multitude de commentaires et d'analyses. La blague la plus courante est qu'il s'agit de mommy porn (de la pornographie pour mamans), puisque beaucoup de lectrices sont des mères de famille dans la trentaine. Certaines statistiques plutôt drôles circulent, comme une augmentation des appels d'urgence aux pompiers pour aider des couples aux prises avec des menottes défectueuses... Mais des critiques s'élèvent aussi contre le caractère violent et infantilisant de la relation amoureuse imaginée par E.L. James.

4. Dès l'annonce de l'achat des droits d'adaptation par Universal Pictures, les fans s'enflamment et spéculent pendant des mois à propos des acteurs qui incarneront Anastasia Steele et Christian Grey. Bien sûr, en groupie de Twilight, E.L. James a pensé en premier à Robert Pattinson, qui n'était sûrement pas intéressé à ce qu'un autre rôle lui colle trop à la peau comme celui d'Edward Cullen. Les fans ont du poids, lorsqu'ils critiquent sévèrement le choix de Charlie Hunnam dans le rôle de Christian. Au final, les acteurs seront Dakota Johnson et Jamie Dornan, et la réalisation sera confiée à Sam Taylor-Wood.

5. Le plus grand secret entoure le tournage de Fifty Shades of Grey. Aussi, lorsque la première bande-annonce est dévoilée, c'est la folie. Ce sera la bande-annonce la plus visionnée de 2014, devant celle du prochain Star Wars! Les préventes de billets battent des records, pour un succès assuré lors de la sortie du film. Une deuxième bande-annonce a été dévoilée lors du dernier Super Bowl.

6. Qui dit succès dit produits dérivés. Depuis le 22 janvier, on trouve dans les succursales de la SAQ deux vins Fifty Shades of Grey en quantité limitée, le rouge Red Satin et le blanc White Silk (qu'on peut se procurer en coffret). Un syrah agréable dont le but est de réchauffer les couples qui seront déjà émoustillés par le film, qui sort bien sûr à la Saint-Valentin. Et on peut lire sur la bouteille «Tu.es.à.moi». Dans la promotion, E.L. James déclare: «Le vin joue un rôle important dans Fifty Shades of Grey, ajoutant à la sensualité qui s'insinue dans plusieurs scènes. J'espère que les lecteurs s'installeront confortablement, verre à la main, tout en appréciant la romance entre Anastasia et Christian.»

7. Mais en matière de produits dérivés, ce sont surtout les sex toys qui remportent la palme. En 2012, E.L. James a donné son aval à une série de jouets érotiques, qui vont du vibrateur au fouet, en passant par les menottes et les masques, ainsi qu'à un jeu de société créé par une entreprise australienne. Fifty Shades of Grey, ce n'est plus seulement une série populaire, c'est une marque rentable.

8. Qui dit succès dit aussi parodie. La plus intéressante étant la comédie musicale 50 Shades! The Musical Parody, très populaire au off-Broadway de New York et dont l'adaptation en français, produite par Didier Morissonneau, sera présentée en exclusivité au Québec à compter du 12 août au théâtre Saint-Denis 2.

9. Enfin, qui dit succès dit aussi polémique. De nombreuses commentatrices et analystes dénoncent la soumission d'Anastasia Steele dans les romans d'E.L. James, qui feraient l'apologie d'une relation amoureuse abusive et d'une vision caricaturale des relations hommes-femmes. Une pétition appelant au boycottage du film circule, où l'on souligne qu'il n'y a aucune «romance» dans ce type d'exploitation, qui ne fait que «glamouriser» la violence sexuelle. Un mot-clic, #50dollarsnot50shades, invite les gens à faire un don aux organismes venant en aide aux femmes violentées plutôt que de contribuer au succès du film.

10. En apprenant qu'il n'y avait que 20 minutes de scènes «sexuelles» pour 125 minutes de film, les fans ont été déçus, d'autant plus que, paraît-il, le scénario a escamoté certains éléments explicites du roman. Alors, érotique ou pas, Fifty Shades of Grey? Selon les instances britanniques et américaines, assez pour l'interdire aux moins de 17 ans. En France, le film est interdit aux moins de 12 ans et en Malaisie, il est carrément interdit.

Quand l'érotisme s'invite au cinéma grand public

Seulement 20 minutes de sexe dans le film Cinquante nuances de Grey, se désolent les curieux? Pourtant, il ne faut parfois pas plus de quelques secondes pour qu'une scène érotique entre de plein fouet (!) dans la culture populaire. C'est que, malgré l'internet, qui déborde de sites pornographiques où à peu près tout est montré dans les moindres détails, rien ne fait plus jaser médiatiquement qu'une scène érotique dans un film grand public, et encore plus lorsqu'elle implique des stars. Un peu comme si, chaque fois, une frontière était franchie. Dix exemples de films «grand public» qui ont causé quelques émois collectifs au fil du temps.

Deux femmes en or, 1970

Dans la curieuse vague de «films de fesses» censés libérer le Québec, ce film de Claude Fournier obtient la médaille d'or. Surtout qu'on y voyait Monique Mercure et Louise Turcot très légèrement vêtues (et c'est ce pour quoi tout le monde est allé le voir). Sous l'oeil étonné de Gilles Latulippe et Paul Berval.

Deep Throat (Gorge profonde), 1972

Il s'agit d'un cas à part dans l'univers du film érotique. Considéré comme l'un des premiers films pornographiques «officiels», doté d'un scénario et d'un budget, Deep Throat a connu un succès public jusque-là inconnu dans le genre, en racontant l'histoire absurde d'une femme dont le clitoris est logé dans la gorge. Le film appartient aujourd'hui à l'histoire générale du cinéma et Deep Throat est entré dans la culture populaire en donnant son nom à l'informateur anonyme du scandale du Watergate.

Le dernier tango à Paris, 1972

Film célèbre et sulfureux de Bertolucci, dans lequel un homme d'âge mûr (Marlon Brando) entretient une liaison avec une très jeune femme (Maria Schneider). La scène où est utilisée une motte de beurre est entrée dans les annales, disons (et cette blague circule depuis 1972).

La mort d'un bûcheron, 1973

Incontournable dans la filmographie de Gilles Carle et Carole Laure. Inoubliable, le strip-tease sauvage de Marie Chapdeleine (on note ici la référence littéraire), chanteuse toplessdans un bar western, peu importe votre orientation sexuelle.

37,2 le matin, 1986

Adapté du roman de Philippe Djian par Jean-Jacques Beineix, le film s'ouvre sur un plan-séquence torride montrant Jean-Hugues Anglade et Béatrice Dalle qui font l'amour de façon très réaliste. Tellement réaliste que tout le monde s'est demandé s'ils faisaient l'amour «pour vrai». Encore aujourd'hui, on se pose la question.

9 semaines 1/2, 1986

Mickey Rourke et Kim Basinger sont les vedettes de ce film racontant la relation passionnelle entre un homme et une femme qui poussent les expérimentations érotiques jusqu'à la rupture. Tout le monde dans les années 80 a répété la fameuse «scène du frigo», dans laquelle Kim Basinger se badigeonne de restants poisseux, avec des résultats plus ou moins heureux.

Basic Instinct, 1992

Le cinéaste Paul Verhoeven, qui aime bien énerver le cinéphile ordinaire amateur de pop-corn, a marqué durablement les rétines de millions de spectateurs simplement en faisant décroiser les jambes de Sharon Stone, qui ne portait pas de culotte sous sa très petite robe. C'est à ce moment que beaucoup ont découvert l'autre fonction du bouton «pause» sur le magnétoscope.

Boogie Nights, 1997

Dans cette histoire-fleuve, Paul Thomas Anderson fait le portrait de l'industrie de la porno des années 60 aux années 80, et s'arrange pour qu'on n'oublie pas son film en le terminant sur un plan fixe du gigantesque pénis (vrai ou faux?) de Mark Wahlberg. Un rare cas de full frontal assumé du cinéma américain.

Eyes Wide Shut, 1999

Le dernier film de Stanley Kubrick, dont le tournage a été interminable, a suscité les plus folles rumeurs, surtout parce que le couple le plus célèbre de Hollywood à ce moment, Tom Cruise et Nicole Kidman, a accepté de se plier à tous les caprices (nombreux) du réalisateur. On n'a jamais eu droit à la version originale de la flamboyante scène d'orgie, qui a été censurée. Et c'est le film qui a mené à la rupture ultra médiatisée du couple.

Brokeback Mountain, 2005

Deux des acteurs hollywoodiens les plus sexys, Heath Ledger et Jake Gyllenhaal, y jouent deux cowboys amoureux dans un patelin de l'Amérique profonde où l'homosexualité est taboue. La «scène de la tente» a choqué beaucoup d'hétéros machos et inspiré des parodies jusque dans notre Bye Bye, avec le politicien André Boisclair.