Ken Takakura, parfois appelé le «Clint Eastwood japonais», était le seul acteur nippon élevé dans l'Ordre national de la Culture par l'empereur Akihito: il est décédé le 10 novembre à Tokyo à l'âge de 83 ans, a annoncé cette semaine son agence.

Tous les médias japonais ont consacré de longs hommages mardi soir à ce monument du cinéma nippon, au détriment des déclarations pourtant de première importance du Premier ministre Shinzo Abe.

«Le surnommé Ken-san, qui avait commencé sa carrière à l'âge de 25 ans, était un acteur emblématique du Japon d'après-guerre, avec un parcours cinématographique de plus d'un demi-siècle», ont souligné les journaux.

«C'est un acteur qui savait interpréter la figure du vrai héros fort, physiquement et psychologiquement», a commenté à la télévision un critique de cinéma.

L'intéressé disait lui-même qu'être «le véritable homme fort en permanence», celui qui endure, ne pleure pas, n'avait pas été chose facile. Il aimait cela pourtant.

Tantôt policier, tantôt malfrat, Ken Takakura, acteur à la voix rauque et au faciès impassible qui posait chaque mot comme il mesurait chaque geste, était notamment connu à l'étranger pour son rôle au côté de Michael Douglas dans Black Rain de Ridley Scott.

Très apprécié en Chine, Ken Takakura (pseudonyme de Goichi Oda), n'a toutefois pas atteint le même niveau de notoriété en Occident.

Les compatriotes de ce natif de la préfecture de Fukuoka, un gaillard de 1,80 m, se souviennent quant à eux surtout de sa présence captivante dans le film Shiawase no kiiroi hankachi (littéralement «Les mouchoirs jaunes du bonheur») de Yoji Yamada, ou de son interprétation émouvante dans Poppoya, un film de Yasuo Furuhata qui relate l'histoire d'un employé de chemin de fer.

«Je suis devenu acteur pour vivre, je veux ardemment continuer de jouer pour continuer à vivre», déclarait-il lors d'une remise du prix du meilleur acteur il y a quelques années au Japon.

«Je suis toujours triste à la fin d'un film», confiait aussi avec son air grave habituel Ken Takakura lors d'un entretien accordé en 2001 à la chaîne publique NHK à l'issue du tournage du film Hotaru sur la guerre et ses suites, sur les jeunes soldats morts pour leur pays. «Je devais faire ce film», disait-il.

«C'est vraiment bien d'être né japonais. Je suis heureux d'être cette année, en tant qu'acteur, parmi les seulement cinq personnes à être honorées», commenta-t-il en devenant l'an passé le premier acteur récipiendaire du prestigieux «prix de l'Ordre national de la Culture».

«J'ai joué dans plus de 200 films, quasiment toujours des rôles de repris de justice, et je reçois ce prix. Désormais, je vais devoir choisir les oeuvres pour ne pas pas faire honte à cette récompense».

«Je me faisais une joie de tourner avec lui au printemps prochain, ce n'est plus possible, c'est vraiment dommage», a déploré dans un message le réalisateur Furuhata.