«À soir, on fait peur au monde!» Robert Charlebois chantait à Paris pour la première fois. À l'Olympia, dans un Musicorama avec Antoine (Fais-toi couper les cheveux) et Georgette Plana, une chanteuse de boulevard sur le retour.

Sur la scène et dans les coulisses de l'Olympia, la caméra de François Brault avait capté l'essence du personnage et de l'événement: la grosse tête frisée qui se déchaîne dans Fu Man Chu - dont le public, bien sûr, ne comprend pas un mot - avant d'expliquer à une animatrice radio la signification du mot «écartillé».

À soir, on fait peur au monde (1969) est le premier film choc au générique duquel est apparu le nom de François Brault, ici directeur photo et coréalisateur avec Jean Dansereau. C'est aussi le premier film qui interpelle le visiteur de l'exposition François Brault - Chronique d'un cinéaste et photographe, présentée jusqu'au 17 novembre au Musée du Château Dufresne (voir chateaudufresne.com pour l'horaire).

Contrairement à son homologue Michel Brault (Les raquetteurs, Pour la suite du monde), le nom de François Brault n'est pas associé d'emblée au «cinéma-vérité» même s'il en utilisait les moyens légers et semblait en partager l'esthétique. «Tu ne me connaîtras pas plus», lui lance Clémence DesRochers au début du documentaire Les visages de Clémence que l'on peut visionner assis et avec des écouteurs au Château Dufresne. Dans ce documentaire de 1967 où l'intervention du cinéaste apparaît minimale, on voit et entend une Clémence belle, adorablement zézayante, à la recherche de sa vérité comme artiste et comme femme.

Deux autres documentaires, à portée sociale ceux-là, complètent la rétrospective François Brault du Musée Dufresne. En 1976, le combat des employés de la Regents Knitting avait fait grand bruit. Après l'annonce de la fermeture de la filature de Saint-Jérôme, ses employés avaient racheté l'entreprise avant de la transformer en coopérative rebaptisée Tricofil. Tricofil, c'est la clé, que Brault a réalisé avec Roger Lenoir, nous fait vivre les victoires et les déconvenues de ce groupe de travailleurs qui interpellent les gouvernements. Ceux-ci resteront longtemps sourds aux appels de ces pionniers de l'autogestion. Tricofil a fermé en 1982.

Les pêcheurs de Saint-Yvon ont connu un meilleur sort. Saint-Yvon (1983) raconte l'histoire de ce petit village de pêcheurs gaspésien que le gouvernement avait voulu rayer de la carte, littéralement. Mais les habitants de Saint-Yvon ont résisté et, sans subventions, ont continué à exploiter leur usine de morue salée et séchée.

La deuxième partie de l'exposition est consacrée à François Brault le photographe, spécialiste de l'art religieux qu'il a exploré dans une douzaine de documentaires tournés pour l'ONF dans les années 80.