L'actrice américaine Susan Sarandon, qui interprète pas moins de quatre personnages dans le film Cloud Atlas, l'ambitieuse fresque des Wachowski adaptée du roman de David Mitchell, évoque une expérience «joyeuse», à mi-chemin entre «le théâtre» et «le cirque».

Le film de près de trois heures, qui sort vendredi en Amérique du Nord après sa présentation en septembre au festival de Toronto, est l'oeuvre de trois cinéastes: les Américains Andy et Lana Wachowski, auteurs de la saga Matrix, et l'Allemand Tom Tykwer, qui signa notamment Cours, Lola, cours (1998).

Adapté du livre éponyme du Britannique David Mitchell, Cloud Atlas évolue entre six époques s'étalant du 19e au 24e siècle, pour tracer le portrait d'une humanité tour à tour médiocre, héroïque, égarée ou révolutionnaire.

«La structure du film est différente (de celle du livre) mais l'essence est la même», déclare à l'AFP Susan Sarandon, à qui les Wachowski avaient offert le livre à la fin du tournage de Speedracer (2008).

«J'ai trouvé le bouquin extraordinaire mais je ne pensais pas qu'ils allaient en faire un film», dit-elle. «Et un jour ils m'ont appelée pour me dire: «Tu nous a manqué, pourquoi tu ne viendrais pas à Berlin pour faire (ce film) ? On va t'envoyer le scénario»».

«J'ai dit oui parce que je les trouve brillants et amusants, et que je les adore, mais j'ignorais comment ils allaient faire un film avec ce livre. Mais c'était leur problème, j'étais prête pour l'aventure et j'ai sauté dessus», assure l'actrice de Thelma et Louise (1991) ou La dernière marche (1995), qui lui a valu l'Oscar de la meilleure actrice.

Le film, dans lequel jouent aussi Tom Hanks, Halle Berry, Hugh Grant, Jim Sturgess et Jim Broadbent, présente la particularité de faire jouer plusieurs rôles -- hommes ou femmes -- aux acteurs, dans les différentes époques.

«Pronoïa»

«C'est vraiment une idée de génie des réalisateurs car cela fait passer cette idée qu'être humain ne dépend pas de la couleur, du genre, de l'époque ou de quoi que ce soit d'autre, mais qu'il existe une essence» de chaque individu, explique l'actrice de 66 ans.

Ainsi, pour différents qu'ils soient, les quatre personnages qu'elle interprète, sont «tous plus évolués et spirituels que la plupart de leur contemporains», observe-t-elle.

L'une des surprises de Susan Sarandon, à l'heure du tournage, a été l'ambiance «joyeuse» qui régnait sur le plateau, malgré la complexité de la production. «C'était comme une grande compagnie théâtrale», dit-elle. «Il y avait juste cette joie qui faisait oublier toutes les craintes. On se sentait comme dans un cirque, et cet esprit était contagieux».

L'actrice reconnaît qu'elle n'avait aucune idée du résultat final, mais a eu une confiance aveugle aux réalisateurs.

«Vous savez, certaines personnes sont paranoïaques. Mais il y a aussi la «pronoïa», quand vous considérez que l'univers conspire en votre faveur et pas contre vous», affirme-t-elle. «Je ne sais pas si ce mot existe vraiment, mais je crois dans la pronoïa et je pense que plus vous y croyez, plus ça marche».

Une posture qui se double d'une modestie confondante. «Il y a deux choses qui m'attachent au métier d'acteur. La première, c'est la collaboration. La plupart des formes d'art sont pensées de façon solitaires. Mais pas le cinéma ni le théâtre», remarque-t-elle.

«La seconde, c'est le sentiment de ne jamais vraiment arriver à faire les choses bien», dit-elle. «Quand vous voyez le résultat, vous vous dites: «Ai-je été assez courageuse ? Pourquoi l'ai-je fait comme ça ?». Vous voulez être clair et intense, mais parfois vous en faites trop et vous embrouillez tout. Mais à chaque fois on se dit: «La prochaine fois, je le ferai mieux»».