Rebelle aurait pu être un film parfaitement insupportable. À cause de l'histoire qu'il raconte.



Assurément. Pourtant, Kim Nguyen a su emprunter le ton juste, la bonne manière. Il a aussi trouvé le moyen d'évoquer des instants de beauté dans un contexte infernal. En se plaçant à la hauteur d'une enfant de 14 ans dont le coeur et l'âme implosent de tragédies inimaginables, l'auteur cinéaste a instinctivement su faire preuve de grande sensibilité et d'une infinie délicatesse. Tous les pièges ont été évités. Pas de sentimentalisme surfait ni de manipulation émotive, encore moins de voyeurisme. À n'en point douter, Kim Nguyen, à qui l'on doit Le Marais, Truffe, et La cité, propose ici un grand film.

>>>La critique vidéo.

Rebelle est un drame poétique campé en Afrique, dans un pays jamais nommé mais qui pourrait bien être la République démocratique du Congo. C'est d'ailleurs là le lieu de tournage de ce film. On y fait la rencontre de Komona (Rachel Mwanza, prix d'interprétation féminine au Festival de Berlin), une enfant soldate. La jeune fille raconte à son bébé à naître les deux dernières années de sa vie. Deux ans sous l'emprise de rebelles qui, un jour, sont entrés dans son village, ont tout saccagé, l'ont forcée à tuer ses propres parents, l'ont capturée, et obligée à les suivre pour faire la guerre à leurs côtés.

C'est au cours de cette itinérance guerrière que Nguyen introduit progressivement des éléments qui contribueront à la résilience de Komona. Un lien sentimental d'abord. Avec un jeune homme qu'on dit «Magicien». Ce dernier fera tout pour prouver l'amour qu'il porte à Komona. Un village peuplé d'albinos. Des fantômes. Des choses plus inattendues surgissent. Des projections mentales aussi. Et l'on prête à Komona certains dons. Entre ces quelques éclaircies, la réalité se fait pourtant insoutenable. Nguyen prend bien soin d'en évoquer l'horreur plutôt que de la montrer frontalement. Le regard de l'enfant en dit bien assez.

Si l'absence de mise en contexte risque peut-être de dérouter certains spectateurs, ce parti pris permet en revanche au film de gagner en puissance d'évocation. À cet égard, Kim Nguyen fait preuve de grande maîtrise dans sa réalisation, appuyé de surcroît par les images magnifiques de Nicolas Bolduc. Il convient également de souligner le choix musical judicieux, tiré d'une anthologie musicale angolaise des années 60 et 70.

Rachel Mwanza porte Rebelle sur ses épaules et affiche un naturel fabuleux à l'écran. La jeune actrice est l'âme de ce film entièrement africain de coeur et d'esprit.

Rebelle. Drame poétique réalisé par Kim Nguyen. Avec Rachel Mwanza, Alain Bastien, Serge Kanyinda, Ralph Prosper. 1h30.