À un moment où le cinéma des premiers temps est en vogue (The Artist, Hugo), l’art de Guy Maddin tombe à point nommé. Le cinéaste de Winnipeg est un adepte du noir et blanc, des histoires d’un autre siècle et des films de genre. Keyhole le démontre encore une fois. C’est aussi le film le plus accessible de l’auteur de The Saddest Music in the World et My Winnipeg.



Sans tomber dans le cinéma commercial pour autant, on reste bien chez Guy Maddin ici, Keyhole propose une trame narrative utilisant davantage les codes classiques. Le long métrage reprend le mythe d’Ulysse dans un contexte d’histoire de gangsters. Cependant, le voyage d’Ulysse (un Jason Patric surprenant! ) qui part à la recherche de sa femme Hyacinth (touchante Isabella Rossellini), s’effectue en ne quittant jamais la maison qu’ils habitent avec leurs fils déjantés. Véritable personnage, la demeure est également hantée par des fantômes, dont le père de Hyacinth (rôle plutôt mal défendu, malheureusement, par Louis Negin).

Guy Maddin se sert de ce prétexte narratif pour explorer les thèmes qui lui sont chers : la mémoire, la famille, la sexualité, le subconscient et l’absurdité de l’existence. Keyhole peut apparaître telle une oeuvre moins personnelle de la part du cinéaste canadien, mais les fans s’y reconnaîtront. Et ce, même si le ton du film se rapproche plus du drame que de la comédie. L’humour est ici moins puéril que ce à quoi Maddin nous a parfois habitué.

Les grands qualités visuelles de son cinéma haut en couleurs, même s’il filme en noir et blanc, sont tout autant présentes. Le montage, la musique et le jeu parfois outrancier font de Keyhole un exercice de haute voltige stylistique. Le genre Maddin s’affine, se précise. Keyhole sera ce long métrage, dans sa filmographie. qui aura marqué un point tournant vers un propos plus universel, sans ne rien perdre de sa pertinence et de sa truculence souvent jouissives.

KEYHOLE


Drame de Guy Maddin. Avec Jason Patric, Isabelle Rossellini et Udo Kier. 1h34

*** 1/2