Entre sa puissance économique, ses tarifs avantageux et une population (1,4 milliard) en pleine mutation dont l'ampleur ne cesse d'étonner, la Chine ne peut faire autrement que de piétiner ses concurrents et devenir d'ici 10 ans la force dominante du marché automobile mondial.

C'est un constat qui saute aux yeux d'un journaliste automobile après avoir séjourné dans ce pays fascinant pendant plus d'une semaine.

 

Il faut savoir que dans toutes les mégavilles de Chine, l'automobile se propage à un rythme qui peut même paraître inquiétant. À Pékin par exemple, le traditionnel vélo a disparu pour faire place à environ 1400 nouvelles immatriculations de véhicules automobiles par jour, selon notre guide Zang Han qui suit de près l'évolution des marchés. Après un calcul rapide, cela nous donne autour d'un demi-million de voitures par année qui vient gonfler les 4 millions de véhicules déjà en circulation, et cela uniquement dans cette capitale de 17,4 millions d'habitants. C'est sans compter sur Shanghai, éblouissante par sa modernité, qui est devenue la plus belle vitrine de la Chine de demain. Cette affluence de circulation se traduit évidemment par des embouteillages titanesques dont tout le monde finit par triompher, souvent aux dépens des piétons qui doivent faire preuve de bravoure pour traverser une rue démunie de feux de circulation.

 

Une industrie jeune

 

Nul besoin d'être un économiste aguerri ou un analyste de premier plan pour se rendre compte que l'avenir appartient à la Chine et en tout premier lieu, à son industrie automobile. Et cela, même si beaucoup de constructeurs n'ont qu'une vingtaine d'années d'existence.

 

Il est permis de croire que les Chinois vont apprendre rapidement à améliorer leurs créations afin de les amener à un statut de compétitivité international. « Pour le moment, la qualité des voitures d'ici laisse encore à désirer » selon M. Han. En revanche, quand une ville comme Shanghai a assez d'argent pour s'offrir le fameux Maglev, le train à haute vitesse qui emprunte le principe de la sustentation magnétique pour atteindre 431 km/h et qui a coûté 2 milliards de dollars pour une voie de seulement 30 km, on réalise que ce ne sont pas les moyens financiers qui manquent pour apprendre à fabriquer de meilleurs véhicules. Si les Chinois ne possèdent pas cette technologie qui abonde dans les automobiles modernes, ils l'achèteront tout simplement comme Geely vient de le faire en s'appropriant Volvo. Ou, ils la copieront tout simplement.

 

Le pays des calques

 

Comme les Japonais l'avaient fait à leurs débuts en s'inspirant des voitures anglaises, les constructeurs Chinois ne se gêneront sans doute pas pour piquer ce que bon leur semble à leurs concurrents étrangers. Les calques sont nombreux à parcourir les routes du pays.

 

La marque Chery par exemple, la plus importante en Chine, a choisi les appellations de A3 et A5 pour deux de ses modèles, des marques de commerce qui sont la propriété d'Audi. BMW, pour sa part, s'est fait voler le vocable X5 tandis que la marque Byd propose un calque parfait du Lexus RX 350.

 

Que faire? Il y a plusieurs années, General Motors avait tenté d'interdire à un constructeur chinois d'utiliser la marque Chery qui ressemblait un peu trop à Chevy. On avait alors laissé entendre aux avocats de GM qu'une simple tentative de poursuite pourrait entraîner des sanctions nuisibles à la diffusion des produits de l'auteur de celle-ci. En raison de l'énormité du marché chinois, la seule réaction possible est le « laisser-faire ».

 

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Ne pas confondre. Nommée A3, cette voiture est une Chery chinoise.

De la Volkswagen à la QQ

 

Pour l'instant, c'est Volkswagen qui arrive en tête des ventes d'automobiles pour la simple raison que l'on construit sur place des modèles souvent périmés que l'on ne reconnaît qu'à leur logo. En les fabriquant sur place, le faible coût de la main-d'oeuvre et l'absence de frais d'importation permettent d'offrir des prix alléchants.

 

General Motors se démarque également par le grand nombre de Buick en circulation, principalement la La Crosse et la nouvelle Regal qui tarde à montrer le bout du nez au Canada. En plus, les anciens modèles Saturn fabriqués par Opel (dont l'Astra) sont toujours vendus dans l'Empire du Milieu.

 

La plus importante marque nationale est la Chery précitée qui offre, entre autres, la deuxième voiture la moins chère au monde (la première étant la Tata Nano) sous les traits et le nom loufoque de QQ. Pour l'équivalent de 5500 $, on ne peut vous offrir en plus un nom exotique.

 

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Deuxième voiture la moins chère du monde, la Chery QQ (?) coûte environ 5500 $.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

QQ, une appellation qui ne passerait pas les frontières du Québec et encore moins celles de la France.

Par ailleurs, il est surprenant de voir l'essaim de VUS qui encombre les rues et avenues de la Chine urbaine. Les marques Great Wall et BYD sont très actives dans la production de tels modèles. À côté de ces véhicules encombrants, on retrouve un nombre incalculable de fourgonnettes miniatures très étroites et parfaitement adaptées aux petites allées que l'on trouve partout. À leur image, les sous compactes dans le style de la Nissan Cube jouissent de la faveur de la clientèle en raison de leur excellent rapport « format habitabilité ».

 

Détail digne de mention, la voiture sport n'a pas la cote et en 10 jours je n'en ai vu que trois ou quatre. Le manque d'intérêt pour le sport automobile se confirme chez l'homme de la rue qui en ignore totalement l'existence.

 

Le chiffre 4 porte malheur

 

Les Chinois sont particulièrement superstitieux comme le démontre l'anecdote voulant qu'ils soient atterrés par le chiffre 4 lorsque celui-ci est placé en dernier sur une plaque d'immatriculation (ou un numéro de cellulaire), car il se prononce «si» comme le mot mort. Et le 14 en mandarin a la même consonance que la sanction «tu vas mourir », ce qui terrifie les Chinois. Résultat : le chiffre a été banni sur les plaques parce qu'il porte malheur.

 

Cette croyance ne changera rien à l'expansion de l'industrie automobile chinoise. Le gouvernement veut d'abord fusionner en quelques grandes entreprises la vingtaine de constructeurs actuels afin de rationaliser le vaste marché existant et de le rendre plus compétitif vis-à-vis des producteurs étrangers. Dans une dizaine d'années, il ne faudrait pas s'étonner de voir la Chine dominer le marché automobile mondial. Elle en a carrément les moyens, sinon la passion.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Les fourgonnettes ultra minis ont aussi la cote en Chine et partout en Asie comme l'illustre cette Karry, également produite par Chery.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Les petites voitures aux formes carrées dans le style de la Nissan Cube sont très populaires partout en Asie.