(Toronto) Tout n’est pas redevenu comme avant. Même à Toronto, où les portes du Salon qui célébrait son 50e anniversaire se sont refermées dimanche sans émoi. Autrefois reflet de l’effervescence et de la vitalité du monde automobile, l’évènement torontois n’est plus que l’ombre de lui-même.

Même si l’absence de plusieurs constructeurs n’affectait pas – en apparence du moins – la tenue de l’évènement, plusieurs visiteurs rencontrés à la sortie de l’exposition se disaient déçus. On ne m’y reprendra pas deux fois, a juré Scott Donaldson, qui souhaitait réaliser lors de sa visite un comparatif entre plusieurs modèles. « Cela ressemble à une exposition organisée par un petit groupe de concessionnaires dans un centre commercial », a-t-il dit.

Exposer coûte cher !

Oui, exposer coûte cher. Combien exactement ? Selon un ancien spécialiste des relations publiques d’une marque asiatique, le budget annuel consacré aux salons automobiles canadiens joue entre 8 et 10 millions de dollars. C’était il y a quatre ans.

Mais le coût ne serait qu’accessoire si le rendement sur l’investissement était au rendez-vous. Il ne l’est pas, estiment plusieurs constructeurs interrogés par La Presse, qui montrent du doigt la chute de la fréquentation de ces évènements. Un désintéressement qui s’explique de bien des façons, selon à qui vous vous adressez.

Néanmoins, certains exposants demeurent confiants en l’avenir. C’est le cas de Don Romano, président et chef de la direction de Hyundai Auto Canada, qui croit toujours en la formule actuelle. « Pour nous, il s’agit d’un évènement unique où il est permis de rencontrer une clientèle intéressée et de prendre le temps de la renseigner sur les technologies présentes et futures. Et ces jours-ci, avec la transition vers de nouvelles sources d’énergie, les questions sont nombreuses. On en a long à dire. »

M. Romano regrette toutefois l’absence de plusieurs marques. « C’est comme un boxeur qui monte dans le ring, prêt à se battre, et qui réalise qu’il n’a pas d’opposant. C’est dommage, mais je demeure optimiste qu’ils seront de retour très prochainement. »

Selon Don Romano, au-delà des coûts, l’absence de plusieurs constructeurs s’explique aisément. « Ils n’ont tout simplement rien à vendre. Ils se disent : pourquoi vanter des produits dont le carnet de commandes est plein à ras bord et qu’on tarde à livrer ? »

Parmi les marques absentes cette année, certaines ne ferment pas la porte à « un retour sporadique ». « Nous y reviendrons seulement si nous avons quelque chose à communiquer », reconnaît l’un de leurs représentants sous le couvert de l’anonymat. « Cela dit, pour plusieurs d’entre nous, l’époque où nous débarquions dans un salon avec notre gamme complète est révolue. »

D’ailleurs, après avoir annoncé son désistement du salon automobile de Montréal, le groupe Stellantis (Alfa Romeo, Chrysler, Fiat Dodge, Jeep, Ram) refait surface à Toronto... La marque Dodge y révélait l’Hornet, tandis qu’Alfa Romeo présentait la Tonale. Jeep avait, pour sa part, aménagé un immense terrain d’essai intérieur (déjà vu dans des manifestations américaines) pour évaluer les aptitudes de ses créations. Invité à préciser les raisons qui l’ont poussé à préférer un salon plutôt qu’un autre, Stellantis répond : « Le Salon international de l’auto du Canada est le salon automobile le plus grand et le plus fréquenté au pays. » Cela a le mérite d’être clair.

Hormis Stellantis et ses deux nouveautés, le public montréalais a eu droit à plus d’avant-premières canadiennes que la Ville Reine. Cette dernière, favorisée par le calendrier, a été témoin de primeurs chez Buick (Encore GX), Kia (Seltos), Subaru (Crosstrek) ainsi que deux études conceptuelles de Hyundai (RN22e et N Vision 74).

Vitrine pour les jeunes pousses

Le désistement de certaines marques ne chagrine pas tout le monde, loin de là. De jeunes pousses profitent de la situation, elles qui considèrent pareil happening comme la plateforme idéale pour se faire connaître du grand public. Vinfast, constructeur vietnamien, est de ceux-là et profite de ces grands-messes pour y dévoiler sa gamme en devenir. Il en a fait de même à Montréal.

À Toronto, les visiteurs ont eu cependant le privilège d’admirer en avant-première le projet Arrow, une étude pilotée par l’Association canadienne des fabricants de pièces automobiles (APMA) à laquelle participe le gouvernement québécois. « Ce modèle, nous l’avons créé pour quiconque souhaite démarrer une entreprise automobile en Ontario ou au Québec », explique Flavio Volpe, porte-parole de ce consortium. « Et c’est gratuit », ajoute-t-il, avec une pointe d’humour. À qui la chance ?