Icône du rock d’aréna des années 1980, Bon Jovi fait l’objet d’une série documentaire de cinq heures. C’est au moins deux de trop, mais elle jette un éclairage intéressant sur la personnalité du chanteur et les tensions qui ont miné le groupe.

Il n’y a pas grand-chose que Jon Bon Jovi regrette des 40 années passées au sein du groupe qui porte son nom. Il en cite une seule dans le dernier épisode du documentaire en quatre parties diffusé sur Disney+ : avoir chanté Livin’ on a Prayer et You Give Love a Bad Name une octave trop haute.

Sa remise en question est conjoncturelle. Ces deux succès ont fait de Bon Jovi l’un des groupes les plus populaires de la planète du milieu à la fin des années 1980. Il le sait. Sauf qu’au moment où le film est tourné, en 2022, il n’arrive plus à atteindre cette altitude sur le plan vocal. Sa voix s’éraille et se fatigue. Ça le dérange profondément et teinte l’entièreté de Thank You, Good Night – L’odyssée de Bon Jovi.

Ses difficultés ne sont pas anormales : il a vieilli. Or, il a aussi un problème sérieux à une corde vocale. Dans des scènes d’une intimité rare, on voit le chanteur faire des exercices vocaux à l’aide d’un thérapeute. Il se donne aussi à entendre alors qu’il est loin d’être au sommet de son art...

Cet élément est crucial dans le documentaire, car Jon Bon Jovi finit par subir une intervention dont le succès déterminera l’avenir de son groupe. Pas question pour lui de faire un Elvis de lui-même et de partir dans la déchéance. « Si je ne peux pas être au sommet de ce que je peux être, c’est merci, bonsoir », tranche-t-il.

Documentaire « autorisé »

Thank You, Good Night insiste beaucoup sur l’éthique de travail du chanteur, issu d’une famille modeste du New Jersey. Inspiré par son compatriote Springsteen, il rêve lui aussi d’atteindre le sommet de la planète rock. Ce qu’il fera avec Richie Sambora, David Bryan, Tico Torres et Alec Such, ainsi que les disques Slippery When Wet et New Jersey.

La série a toutes les apparences du documentaire autorisé. L’histoire de Bon Jovi est racontée par ses proches et ses musiciens. Même Richie Sambora, parti dans la confusion en 2013, aborde ce chapitre de sa vie avec fierté, bien que son amertume soit évidente.

Sans grande surprise, la série tend à faire de Jon Bon Jovi une espèce de demi-dieu.

Il est présenté comme un meneur de foule exceptionnel, un capitaine au flair juste, un bourreau de travail qui a souvent dû tirer ses collègues égarés dans la drogue ou l’alcool... Rendu à 62 ans, il a l’air d’un bon père de famille, qui découvre à la dure que ses capacités diminuent et qui trouve de plus en plus accablant le poids qu’il porte. Sa fierté en prend un coup.

En surface

Oui, les tensions internes sont abordées. Oui, Jon se confie beaucoup au présent. Pour le reste, les documentaristes se contentent de rester en surface : ils évoquent pudiquement les excès sexe, drogue et rock’n’roll des années 1980, insistent sur les succès du groupe sans donner la parole à aucun de ses détracteurs et – c’est plus troublant – parlent très peu de... musique.

Les membres de Bon Jovi sont présentés comme des gars déterminés et ambitieux, mais jamais comme des artistes porteurs d’une vision. On pourrait arguer que l’œuvre de Bon Jovi n’est pas marquante sur le plan du style. N’empêche, elle ne s’est pas construite par hasard ni en vase clos : entendre ces musiciens créer leur son emblématique, creuser l’alchimie vocale entre Sambora et Jon, raconter la quête de renouvellement artistique des années 2000 aurait justifié ces cinq heures qui s’avèrent au bout du compte deux fois trop longues pour si peu.

Sur Disney+