Vincent Leclerc emploie le qualificatif « étrange » pour décrire son expérience sur Plan B. Trois ans après avoir joué un conjoint violent dans l’original québécois, l’acteur reprend son rôle dans l’adaptation anglophone, qui dispose d’un budget trois fois plus élevé.

Rencontré durant notre visite du plateau de tournage du drame psychologique, au début du mois à Longueuil, Vincent Leclerc confie avoir une forte impression de déjà-vu. « Chaque minute. Certains costumes sont identiques. Certains lieux de tournage aussi. C’est très étrange. »

Dans cette production de KOTV (Zénith, L’œil du cyclone) destinée au réseau CBC, Vincent Leclerc retrouve le personnage d’homme possessif et agressif qu’il défendait en 2021 aux côtés d’Anne-Élisabeth Bossé, qui campait une policière déterminée à empêcher une tragédie familiale en remontant le temps. Encore et encore.

Patrick Emmanuel Abellard, qui campait le coéquipier de l’agente au centre de l’action, reprend également son rôle.

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Le réalisateur Jean-François Asselin et l’acteur Vincent Leclerc pendant le tournage de Plan B à Longueuil

Vincent Leclerc et Patrick Emmanuel Abellard font partie d’un groupe sélect de comédiens québécois à défendre les mêmes personnages dans deux langues au petit écran. Hormis Benz Antoine, l’interprète du patrouilleur alcoolique Tyler dans 19-2 (et son pendant anglophone du même titre), les exemples sont plutôt rares. Au début des années 2000, Vincent Leclerc a joué dans deux miniséries québécoises traduites en anglais, Le dernier chapitre (2003) et René (2006), mais puisque les versions étaient tournées en simultané (« On faisait la scène en français, puis en anglais »), la situation était différente.

Je n’ai jamais été method actor [système Stanislavski, qui consiste à rester dans son personnage même hors tournage], mais je suis sorti du Plan B en français égratigné. C’était une première pour moi. Aujourd’hui, je ressens une fatigue. Je joue au théâtre en même temps, et mon petit cerveau d’acteur est sollicité. Mais j’ai l’impression d’avoir trouvé un certain équilibre.

Vincent Leclerc, acteur

Après avoir assisté au tournage d’une scène de violence conjugale particulièrement intense durant laquelle Vincent Leclerc devait empoigner brutalement sa partenaire (Sarah Booth) et l’acculer au mur, on comprend pourquoi ce genre de séquence peut teinter le quotidien d’un comédien.

« Au moins, cette fois, je connais le chemin. Il est long et sombre, mais je sais par où passer. »

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Le tournage de l’adaptation anglophone de Plan B s’est déroulé en deux étapes : une première l’automne dernier, du 4 septembre au 11 novembre, puis une seconde cet hiver, du 18 janvier au 6 février.

Bien qu’il soit parfaitement bilingue et qu’il ait interprété le personnage du père de famille agressif et perturbé une première fois, Vincent Leclerc a quand même dû se battre pour participer à la reprise anglophone de Plan B. Le comédien a passé deux auditions avant d’obtenir (de nouveau) le rôle de Paul Whitman (en français, Bruno Bernier), pour lequel il avait pourtant décroché une sélection aux Gémeaux en 2022. « Au départ, bien honnêtement, mon ego était comme : “Ben là...” Mais je comprends. C’est souvent une question de chimie. »

2,3 millions de dollars par épisode

Outre Vincent Leclerc, l’adaptation canadienne-anglaise de Plan B marque le retour d’un autre membre clé : Jean-François Asselin. Le coscénariste (avec Jacques Drolet) et réalisateur des quatre premières saisons en français a retrouvé son poste derrière la caméra. Et comme Vincent Leclerc, il trouve l’expérience « particulière ».

« C’est vraiment bizarre, parce que je l’ai déjà fait. La version avec Anne-Éli [Anne-Élisabeth Bossé], je l’ai tournée, je l’ai montée. C’est donc dur de m’en défaire. Les images sont imprégnées. Je revis vraiment un plan B. »

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L’actrice torontoise Vinessa Antoine reprend le personnage de policière défendu par Anne-Élisabeth Bossé dans l’original québécois. « Vinessa avait cette dureté et cette sensibilité qu’on recherchait », nous confie le réalisateur Jean-François Asselin.

Asselin et Drolet n’ont pas apporté beaucoup de changements au scénario de la version anglophone, qui demeure virtuellement identique à l’original. Le budget par épisode a toutefois triplé. Ou presque. On parle de 2,3 millions de dollars, comparativement à 800 000 $ pour l’original, précise Jean-François Asselin.

On peut prendre le temps de faire les choses. On n’a pas plus d’effets spéciaux, mais on peut prendre le temps de peaufiner les scènes avec l’acteur. Pour moi, ça change tout. J’ai beaucoup plus de plaisir. Quand je tourne en québécois, j’ai toujours peur de manquer de temps. Quand je finis une saison, je suis comme :  “Je viens de perdre 30 vies tellement j’étais stressé !” C’est fou comme différence.

Jean-François Asselin, coscénariste et réalisateur

« C’est le fun d’avoir un rythme de travail convenable, ajoute Vincent Leclerc. Je n’ai pas l’impression d’avoir un gun sur la tempe. Je suis embarqué dans ce projet ravi, et j’en sors conquis. »

Tournage de Plan B
  • Tournage d’une scène dans un quartier résidentiel de Longueuil. Malgré une météo clémente (-6 degrés, ciel ensoleillé), les tournages extérieurs en hiver ajoutent toujours un degré de difficulté. À l’ombre, les doigts gèlent en quelques minutes.

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    Tournage d’une scène dans un quartier résidentiel de Longueuil. Malgré une météo clémente (-6 degrés, ciel ensoleillé), les tournages extérieurs en hiver ajoutent toujours un degré de difficulté. À l’ombre, les doigts gèlent en quelques minutes.

  • Les acteurs Vincent Leclerc et Sarah Booth (Heartland, Three Pines) répètent la chorégraphie d’une scène de violence conjugale qu’ils s’apprêtent à tourner, pendant que Jean-François Asselin veille aux derniers préparatifs.

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    Les acteurs Vincent Leclerc et Sarah Booth (Heartland, Three Pines) répètent la chorégraphie d’une scène de violence conjugale qu’ils s’apprêtent à tourner, pendant que Jean-François Asselin veille aux derniers préparatifs.

  • Entassés dans un petit bungalow de Longueuil, une vingtaine de techniciens préparent le tournage d’une scène. L’équipe derrière Plan B est majoritairement francophone. Plusieurs comédiens anglophones parlent également français, comme Rossif Sutherland et Sarah Booth.

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    Entassés dans un petit bungalow de Longueuil, une vingtaine de techniciens préparent le tournage d’une scène. L’équipe derrière Plan B est majoritairement francophone. Plusieurs comédiens anglophones parlent également français, comme Rossif Sutherland et Sarah Booth.

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Équipe francophone

Cette adaptation de Plan B a beau être destinée au réseau CBC, son plateau bourdonne en français. Son équipe technique étant composée en grande majorité de francophones, les seuls mots en anglais qu’on entend sont « Two, one, action ! » avant chaque prise.

« Pour notre première saison en anglais, comme c’était un marché qu’on connaissait peu, on avait engagé plus de gens qui faisaient des productions américaines, mais on trouvait que c’était lourd, explique le réalisateur Jean-François Asselin. Quand on a plus d’argent, on a plus de moyens, mais parfois, c’est moins efficace. Cette année, on s’est dit qu’on allait essayer de trouver le juste milieu avec une équipe québécoise. »

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Le cocréateur, coauteur et réalisateur de Plan B, Jean-François Asselin, réalise et supervise l’adaptation anglophone. Il assume également les fonctions de producteur exécutif avec Louis Morissette, président de KOTV, la boîte derrière la série.

Il s’agit d’une deuxième saison pour Plan B au Canada anglais. Mettant en vedette l’acteur ontarien Patrick J. Adams (Suits), Karine Vanasse et François Arnaud, la première a rallié 227 000 téléspectateurs sur CBC les lundis soir, en février, mars et avril 2023, selon les données confirmées de Numeris. Au Québec, les deux dernières éditions ont attiré 676 000 (automne 2021) et 482 000 personnes (automne 2023) sur ICI Télé, révèlent des chiffres fournis par Radio-Canada.

Cette nouvelle saison anglophone de Plan B viendra gonfler son nombre d’adaptations hors Québec. Jusqu’à présent, on compte des reprises en Allemagne (ZDF), en France (TF1) et en Belgique (STREAMZ). La série est distribuée à l’étranger par Red Arrow Studios International.