STAT, Occupation double, Indéfendable et Big Brother Célébrités font partie des émissions préférées d’une tranche du public qui semble délaisser la télévision québécoise : les jeunes adultes.

Il s’agit d’un des faits saillants d’une enquête exclusive de l’Académie de transformation numérique (ATN), présentée mercredi au congrès de l’Association québécoise des productions médiatiques (AQPM) à Saint-Sauveur. Réalisée auprès de 1000 Québécois âgés de 18 à 24 ans en mars dernier, l’étude visait à explorer leurs habitudes de visionnement.

Invités à identifier les productions locales qu’ils avaient regardées au cours des trois mois précédents, les répondants ont majoritairement nommé STAT. La populaire quotidienne en milieu hospitalier de Radio-Canada trône au sommet du classement réservé aux séries de fiction avec 20 %.

Le feuilleton mettant en vedette Suzanne Clément, Geneviève Schmidt et Lou-Pascal Tremblay devance l’autre quotidienne de TVA, Indéfendable, à laquelle 14 % des personnes sondées avaient jeté un œil.

Les bracelets rouges de TVA (10 %) complète le podium, suivi de trois offrandes de Noovo : Club Soly (9 %), Entre deux draps (8 %) et Chouchou (8 %). Léo (8 %), Complètement lycée (6 %), M’entends-tu ? (5 %) et Plan B (5 %) clôturent le top 10.

Chez les téléréalités, Noovo occupe quatre des cinq premières positions avec Occupation double (16 %), Big Brother Célébrités (13 %), Un souper presque parfait (10 %) et L’amour est dans le pré (8 %). TVA empêche un balayage en logeant sa nouveauté Sortez-moi d’ici (9 %) au quatrième échelon.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Jay Du Temple a animé la dernière édition d’Occupation double.

En variétés, sans surprise, La voix s’impose avec 11 %, devant Infoman (10 %), En direct de l’univers (6 %), Chanteurs masqués (6 %) et Révolution (6 %).

Un attachement aux contenus d’ici

Décortiquée par Christine Thoër, professeure titulaire au département de communication sociale et publique de l’UQAM, l’enquête a offert quelques nouvelles encourageantes au milieu télévisuel québécois, qui cherche désespérément à capter l’attention des jeunes adultes pour assurer sa pérennité. Ainsi, une forte majorité (70 %) des 18-24 ans s’avouent « intéressés » par l’ensemble des contenus québécois. Et ce, même s’ils préfèrent Netflix, YouTube et Disney+ à Crave, ICI Tou.tv et Club illico pour visionner les contenus en ligne.

Les raisons qui motivent leur intérêt envers l’offre fleurdelisée sont variées. Elles renferment la volonté d’encourager les productions locales (88 %) et l’importance de protéger la langue française (83 %). La troisième raison principale est beaucoup plus pratico-pratique : parce que leurs parents et leurs frères et sœurs regardent la télé québécoise et qu’ils veulent être capables d’en parler avec eux (77 %).

Certains répondants nous ont dit : “Si tu vas souper en famille et que tu n’as pas regardé telle ou telle série, tu vas te sentir seul assez longtemps”.

Christine Thoër, de l’UQAM, qui dirigeait l’équipe de recherche derrière l’étude

D’un autre côté, les jeunes adultes non intéressés par l’offre québécoise de contenus ont expliqué leur manque d’enthousiasme en signalant qu’ils préféraient regarder des contenus américains ou étrangers (79 %), qu’ils ne « se reconnaissaient pas » dans notre star-système local (63 %) et parce qu’ils préféraient des productions à gros budgets (61 %).

Des sceptiques

Les résultats de l’étude ont soulevé beaucoup de scepticisme auprès des acteurs de l’industrie qui œuvrent pour rallier les jeunes adultes. Philippe Lamarre, président et fondateur d’Urbania, la boîte derrière des séries comme L’air d’aller, a recommandé la vigilance. « Quand la moyenne d’âge de ton public est entre 55 et 60 ans, il faut s’inquiéter du renouvellement de l’auditoire. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Arnaud Soly anime Club Soly sur Noovo.

Pour expliquer la présence d’un titre comme Club Soly au sein du classement des émissions des contenus les plus populaires auprès des 18-24 ans, Zita Lawson, d’Encore Télévision, la maison de production derrière l’offrande d’Arnaud Soly, a précisé que l’humoriste et son équipe avaient « carte blanche ».

Ils font ce qu’ils veulent. Nous, on reste derrière avec beaucoup d’humilité et d’écoute. On leur fait confiance.

Zita Lawson, d’Encore Télévision

Cette attitude a été saluée par Mathieu Lacombe, de l’agence de communication Rethink. « Montrer des jeunes à la télé, c’est une chose. Je pense qu’il faut aussi parler leur langage. Des shows comme Club Soly le font bien, parce qu’on donne aux jeunes toute la place pour qu’ils créent le contenu, avec des référents qu’ils comprennent. Des fois, prendre des shows plus vieux pour essayer de parler aux jeunes, ça sent la sueur de concepteur. Ça sent forcé. »

Par ailleurs, l’enquête a révélé que l’humour (54 %) arrive au premier rang des éléments qui attirent les jeunes en matière de séries de fiction, loin devant le suspense (44 %) et l’action (43 %).

Particulièrement couru cette année, le congrès de l’AQPM se termine jeudi.

Ce que les jeunes (18-24 ans) regardent sur l’internet

1. Films (66 %)
2. Séries (65 %)
3. Vidéos drôles (38 %)
4. Téléréalités (37 %)
5. Vidéos d’influenceurs (36 %)

Plateformes de visionnement en ligne les plus utilisées chez les jeunes (18-24 ans)

1. Netflix (77 %)
2. YouTube (55 %)
3. Disney+ (45 %)
4. Prime Video (41 %)
5. Noovo (23 %)
6. Crave (18 %)
7. ICI Tou.tv (18 %)
8. Club illico (11 %)
9. Site de TVA (11 %)
10. AppleTV+ (8 %)

Source : Pratique de visionnement connecté des jeunes au Québec, enquête de l’ATN, avril 2023